C’est une maladie que l’on croyait disparue. Le scorbut est de retour. On connait tous des histoires de marins ou de pirates où tout un équipage est décimé par le scorbut. Mais voilà 200 ans qu’on n’en parlait plus. Et puis le mois dernier, la presse britannique a annoncé l'impensable : la maladie est de retour en Angleterre. J’ai lu ça dans le magazine Society.
Le scorbut, ce n’est pas juste une petite carence en vitamine C, c’est une horreur absolue. Les gencives noircissent, la peau devient pâle et sèche comme un parchemin. Les vieilles cicatrices se rouvrent et les dents se mettent à tomber.
“Tu ouvres la bouche et c’est un horrible bordel marron", explique l’historien Stephen Bown. "Ton haleine est pourrie, un os cassé qui a eu le temps de guérir se casse à nouveau, c’est comme si tu tombais en ruine. Puis tu meurs.” L'horreur, je vous avais prévenus.
Les premiers cas de scorbut ont été signalés par Vasco de Gama. Dans les siècles qui ont suivi, la maladie a tué plus que les guerres, les mutineries, la piraterie et les tempêtes réunies. “Le scorbut, ce n’est pas comme le Covid", poursuit Bown, "ça ne s'attrape pas. Si tu ne consommes pas assez de vitamine C, c’est sûr à 100% que tu l’auras.”
Autrefois, l'hiver, les gens manquaient souvent de produits frais et beaucoup souffraient d’un scorbut léger. Au printemps, quand les marins embarquaient ils étaient déjà affaiblis, et sur les bateaux, il n'y avait que des denrées salées ou séchées, quasi sans vitamine C. Ils ne mangeaient que ça pendant des semaines et là, ils tombaient vraiment malades. Le scorbut a commencé à reculer en 1795, c'est à cette époque qu'on a commencé à distribuer du jus de citron aux marins de la Royal Navy.
On le croyait éradiquée et le revoilà. Depuis l'an dernier, 171 cas de scorbut ont été signalés dans les hôpitaux britanniques. Stephen Bown n’en revient pas : “je n’aurais jamais pensé qu’on puisse avoir le scorbut de nos jours. Il faut se nourrir d’aliments transformés pendant des mois. Une orange par semaine peut suffire à s’en prémunir.”
Alors, comment expliquer ce mauvais come-back? Pour Jeremy Corbyn, l'ancien leader du Parti travailliste, c'est évident : tout serait de la faute des mesures d’austérité prises par le parti conservateur depuis une dizaine d'années.
Cela coïncide avec une augmentation fulgurante du nombre de bénéficiaires des banques alimentaires : 61.000 en 2011, 2 millions et demi aujourd'hui. Entre-temps, il y a eu la "bedroom tax" qui consiste à imposer les chambres inoccupées des logements sociaux, et le "benefit cap", qui limite les aides à hauteur de 29.000 euros par an.
Une étude internationale l’a montré : quand il n’y a pas assez d’argent, les mères de famille ont tendance à choisir des aliments en boîte ou surgelés, des trucs qui calent, des pâtes, des pizzas. “Une grand-mère qui élève ses petits-enfants nous a dit qu’acheter un fruit, c’était gaspiller de l’argent", dit une chercheuse. Parce que c’est périssable.”
Beaucoup d’enfants avouent ne jamais manger de fruits, ou moins d’une fois par semaine. Et puis les bonnes vieilles recettes se perdent, certains ingrédients disparaissent et c’est dommage : prenez le persil, c’est bourré de vitamine C. Quelques brins sur les plats, et le problème serait réglé.
Évidemment, la crise sanitaire n’a rien arrangé. Aujourd’hui, certains élus se battent pour inscrire le droit à être nourri dans la loi britannique, une campagne soutenue par le footballeur de Manchester Marcus Rashford. Pour enrayer la mécanique de la faim, et renvoyer le scorbut aux oubliettes de l’histoire.
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