Coronavirus : cinq ans après le confinement, l'impossible deuil des familles de victimes

Il y a tout juste cinq ans, le confinement décrété par Emmanuel Macron entrait en vigueur en France. Plus de restaurant, plus de sorties, plus d'école, plus de travail, mais aussi plus d'enterrement. Cinq années après, ces milliers de familles qui n’ont pas pu enterrer dignement leurs proches décédés du Covid-19 prennent la parole.

C'est à l'intérieur de la chambre de son fils de six ans que Julie nous accueille. La jeune femme s'arrête face à cette photo accrochée au mur. "C'est le dernier cliché de mon papa vivant. C'est la dernière fois que nous nous sommes vus. C'est le 8 février 2020". Son petit-fils dans les bras, l'ex-soignant de 67 ans était alors loin d'imaginer qu'il serait atteint du Covid un mois plus tard. Patrick décède le 25 mars, chez lui. Quand Julie apprend sa mort, elle apprend aussi que sa mise en bière a déjà eu lieu. 

"Son corps a été pris en charge par un opérateur funéraire que je n'ai pas choisi. Il est mis dans une housse avec de la javel et le cercueil est fermé et personne n'a pu le revoir une dernière fois. Donc là, je hurle, je m'effondre par terre. Psychologiquement et physiquement, à ce moment-là, j'ai débranché parce que c'est trop violent", confie Julie. 

"Je m'en veux qu'il soit parti comme ça"

Ce n'est qu'en mai que Julie récupère l'urne de son père. Commence alors l'impossible deuil. "Il manque une étape. Il manque le fait de lui avoir dit au revoir. L'étape de pouvoir aussi respecter ses dernières volontés. Je sais que souvent et longtemps, je me suis dit mais en fait, c'est pas vrai, c'est pas possible". Cinq ans après, elle a toujours du mal à réaliser. "Je ne sais pas si j'accepterai un jour, honnêtement. Je m'en veux qu'il soit parti comme ça."

La jeune femme ne bénéficie pas d'accompagnement. C'est d'ailleurs pour cette raison qu'elle a créé son association pour le suivi psychologique des familles traumatisées et pour entretenir la mémoire de ceux qui sont partis.

Vers une journée de commémoration ?

Le grand combat des associations de familles de victimes repose aujourd'hui sur la mise en place d'une journée de commémoration nationale. À ce jour, seules quelques communes isolées rendent hommage aux victimes du Covid-19 chaque 17 mars. Pour Sabrina Sellami, il faut que ce soit élargi à toute la France. La vice-présidente de l'association CœurVide19, a perdu elle-même son père et son frère du Covid-19 en mars 2020.

"Qu'il y ait un hommage national, c'est fondamental. Parce que ce serait reconnaître la douleur des familles, la douleur des victimes qui sont parties dans des conditions totalement inhumaines", déplore Sabrina Sellami. "On a été privés d'adieux, privés d'enterrements. Est-ce qu'on est capable de comprendre qu'on a abandonné nos proches au moment extrême de leur vie".

Une proposition de loi a été déposée à l'Assemblée nationale pour qu'une journée de commémoration puisse enfin se tenir le 17 mars. Le texte propose d'ailleurs aussi d'organiser un retour d'expérience collectif à l'échelle nationale. Pour tirer les enseignements de la pandémie et accompagner au mieux les familles de victimes. 

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