7 min de lecture

Pensions, impôt sur la fortune improductive et GAFAM : après 8 jours de débats sur le budget, quelles taxes ont été votées par les députés ?

Les députés bouclent huit jours de débats sur la partie "recettes" du budget de l'État, sans espoir de voter sur ce premier volet le 4 novembre, comme initialement prévu. Il semble peu probable que le texte puisse trouver une majorité dans l'hémicycle, même si le gouvernement et le Parti socialiste affirment y croire.

Sébastien Lecornu et Amélie de Montchalin à l'Assemblée nationale, le 31 octobre 2025

Crédit : Serge Tenani / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP

Marie-Pierre Haddad & AFP

Je m'abonne à la newsletter « Politique »

Taxe Zucman, ISF, pouvoir d'achat... La justice fiscale était au menu des discussions des députés, lors de l'examen du projet de budget. Les discussions marquent une pause à partir du mardi 4 novembre pour faire place à l'examen du budget de la Sécurité sociale. 

Si une série de mesures fiscales ont été votées, un consensus politique ne s'est pas dégagé. Sur RTL, la ministre des Comptes publics, Amélie de Montchalin, a jugé que "le budget n'est pas invotable", même si "on en est très loin". Le premier secrétaire du Parti socialiste, Olivier Faure, a estimé que, si la voie était "étroite" vers une adoption du budget par l'Assemblée nationale, un "chemin" semblait encore "possible" pour obtenir la disparition des "horreurs" encore contenues dans le texte. 

L'optimisme est moins de rigueur chez le rapporteur général du Budget, Philippe Juvin. Le député Les Républicains des Hauts-de-Seine anticipe le rejet du budget. "Je ne vois pas très bien comment cette partie 1 pourrait être votée, parce qu'en fait, elle ne va satisfaire personne", a-t-il déclaré sur LCI. En cas de rejet de cette première partie, le projet de budget partirait au Sénat dans sa version initiale. En attendant, voici un premier point d'étape de ce qui a été voté par les députés, après huit jours de débats.

Une contribution des plus riches

Les députés ont voté la prolongation de la contribution différentielle sur les hauts revenus (CDHR), qui restera en vigueur tant que le déficit public dépasse 3% du PIB. Instaurée en 2025, cette mesure fixe un taux minimal d'imposition de 20% pour les ménages dont les revenus dépassent 250.000 euros. Son maintien devrait rapporter 1,5 milliard d'euros en 2026, selon les chiffres avancés par le gouvernement. 

Le projet du gouvernement prévoyait initialement de la maintenir pour la seule année 2026. La gauche souhaitait quant à elle la pérenniser et la renforcer. Mais l'Assemblée nationale a opté pour le compromis proposé par le député MoDem Jean-Paul Matteï, à savoir de conserver cette taxe jusqu'à ce que le déficit annuel soit ramené à moins de 3% du produit intérieur brut (PIB), ce que la France n'a atteint que deux fois ces quinze dernières années (2018 et 2019). 

"Sur le sujet des très hauts patrimoines et des hauts revenus, nous avons compris qu'il y avait une attente de nos concitoyens et là-dessus nous bougeons", a déclaré le député Charles Sitzenstuhl (Renaissance), qui s'est "résolu" à voter la mesure malgré son opposition initiale. La gauche a prévenu que cette mesure ne "doit pas cacher la forêt de l'injustice fiscale", selon les mots de François Ruffin.

La taxe sur les holdings

Outils parfois utilisés par des ultrariches pour échapper à l'impôt, les holdings étaient dans le viseur des députés. Une taxe a ainsi été proposée par le gouvernement. Cette mesure a finalement été adoptée dans une version édulcorée. Concrètement, la droite a réussi à circonscrire le nombre de holdings visées et l'assiette, en listant précisément les biens somptuaires concernés. 

Elle a été adoptée par 224 voix, contre 10. Auprès de l'AFP, le chef des députés Les Républicains, Laurent Wauquiez, s'est réjoui "d'arrêter la folie fiscale et la taxe mania" du projet de budget. Les groupes de gauche ont préféré s'abstenir. Son nouveau rendement n'est pas connu. 

L'impôt sur la fortune improductive

L'Assemblée nationale a rejeté la taxe Zucman, défendue par la gauche, qui en espérait de 15 à 20 milliards d'euros de recettes. Les députés ont cependant voté en faveur d'une transformation de l'impôt sur la fortune immobilière (IFI) en impôt sur la fortune improductive. Cette mesure élargit l'assiette de l'impôt, tout en en modifiant le barème et en créant un abattement sur la résidence principale ou unique. Le chiffrage est en cours. 

Sur RTL, le député socialiste, Philippe Brun, a indiqué : "On avait déjà adopté en commission la suppression de l'abattement de 10%, c'est-à-dire le rétablissement de l'abattement de 10% pour les retraités. On avait obtenu aussi une taxe sur les GAFAM, comme nous le proposions. Et puis, hier soir, après le rejet de la taxe Zucman, on a rétabli l'ISF dans son ancienne formule, avec un amendement de compromis que nous avons obtenu avec le Modem. Tout cela, donc, permet de penser que le budget qui est en ce moment discuté est une copie un peu meilleure que celle qui sortait de Matignon et c'est positif".

La défiscalisation totale des heures supplémentaires

À l'initiative de la droite et contre l'avis du gouvernement, les députés ont largement rejeté le gel du barème de l'impôt sur le revenu. Il aurait conduit 200.000 foyers supplémentaires à payer cet impôt. Coût du rejet : 2,1 milliards d'euros. La défiscalisation totale des heures supplémentaires a été approuvée, également à l'initiative des LR. Coût estimé : un milliard d'euros. 

La droite, l'extrême droite et la majorité des macronistes ont approuvé un amendement de Laurent Wauquiez, au nom de son groupe, supprimant le plafond existant de 7.500 euros au-delà duquel les heures supplémentaires sont fiscalisées. 

Le chef des députés LR a défendu un "signal" envoyé à "la France qui travaille", son collègue Fabien Di Filippo disant lui vouloir répondre à la demande des électeurs qui "regrettent l'époque du travailler plus pour gagner plus". Ce slogan était celui de l'ancien président Nicolas Sarkozy, à l'origine de la défiscalisation des heures supplémentaires, supprimée en 2012 avant d'être rétablie en 2019, avec un plafond de 5.000 euros relevé en 2022. 

La défiscalisation des pensions alimentaires

Les écologistes ont fait voter la défiscalisation des pensions alimentaires pour ses bénéficiaires, et en miroir la fiscalisation pour ceux qui la versent, là aussi contre l'avis du gouvernement. Bénéfice attendu : 500 millions d'euros. L'amendement de l'écologiste, Marie-Charlotte Garin, a été adopté par une large coalition de députés de gauche, du Rassemblement national, et une partie des macronistes, principalement membres de Renaissance. 

La ministre des Comptes publics, Amélie de Montchalin, s'est dite défavorable à l'amendement comme à d'autres sur le même sujet, soulignant qu'il conduirait à "de facto favoriser les femmes qui ont déjà des revenus importants" par rapport aux plus modestes. 

Actuellement, les personnes qui versent des pensions alimentaires sont exonérées d'impôts sur ces sommes, tandis que les bénéficiaires en payent, s'ils sont imposables. L'amendement inverse donc la situation, en imposant une limite à cet avantage fiscal de 4.000 euros par enfant plafonnée à 12.000 euros par an.

Une réduction d'impôt de 25% sur les frais de séjour en crédit d'impôt

À l'initiative de la France insoumise, une mesure de soutien pour les résidents en Ehpad ou leurs familles ayant des revenus modestes a été votée. Elle transforme une réduction d'impôt de 25% sur les frais de séjour en crédit d'impôt. Le gouvernement, défavorable à la mesure, la chiffre à 574 millions d'euros. 

Actuellement, seules les personnes imposables bénéficient de la réduction fiscale pour leurs frais d'hébergement, ce qui par définition ne s'applique pas aux ménages les plus modestes qui ne payent pas d'impôt. "L'État aide celles et ceux qui aujourd'hui paient suffisamment d'impôts pour pouvoir aller dans un Ehpad et tous les autres se retrouvent abandonnés", a fustigé le député insoumis Aurélien Le Coq. 

Cette mesure, défendue depuis longtemps par la députée socialiste Christine Pirès Beaune, avait déjà été adoptée lors de précédents budgets, mais n'avait pas été retenue dans la copie finale, avec l'adoption des budgets via l'article 49 alinéa 3 de la Constitution.  

La surtaxe sur les bénéfices des grandes entreprises

L'Assemblée a voté une hausse de la surtaxe sur les bénéfices des grandes entreprises, qui devrait rapporter deux milliards d'euros de plus. La surtaxe a été instaurée dans le projet de loi de finances 2025, avec un rendement attendu de 8 milliards d'euros. La mesure du gouvernement augmente le taux pour les très grands groupes (jusqu'à 35,3%), tout en l'allégeant pour les entreprises intermédiaires. 

À l'initiative des socialistes, la chambre a voté pour réduire l'impôt sur les sociétés des petites et moyennes entreprises jusqu'à 100.000 euros de bénéfice. Le gouvernement s'y est opposé, chiffrant la mesure à 1,7 milliard d'euros. 

Le débat sur cette surtaxe a donné lieu à de très vives discussions, alors que plusieurs amendements issus du groupe ciottiste UDR, de LR et de Renaissance demandaient la suppression pure et simple de la mesure. La gauche, elle, revendiquait d'en rester au moins aux taux de 2025. 

La taxe sur les rachats d'actions

Sur proposition du Rassemblement national, les députés ont voté une taxe sur les rachats d'actions, portée à 33% contre 8% actuellement. L'objectif affiché par les députés RN est de lutter contre la spéculation. Le gouvernement, lui, s'y est opposé. 

"Je pense qu'il faut qu'on arrête de créer des impôts (...) Aujourd'hui, si je compte les mesures sur l'impôt des multinationales, sur les rachats d'actions, sur la taxe sur les super-dividendes et l'ensemble des amendements qui ont été votés, le taux de prélèvements obligatoires atteindrait au moins (...) 45,1% du PIB, c'est plus qu'en 2013 où il était à 44,8%", a fustigé Amélie de Montchalin.

Enfin, une taxe exceptionnelle sur les superdividendes, proposée par LFI, a été votée, mais jugée inapplicable par le gouvernement, en raison du droit européen.  

Une taxe sur les géants du numérique

Les députés ont voté le doublement de la taxe GAFAM, qui cible les géants du numérique. En commission, les élus macronistes avaient proposé de porter le taux de 3% à 15%, avant de se raviser en séance et de soutenir un compromis à 6%. L'amendement du député Ensemble pour la République des Hauts-de-France, Jean-René Cazeneuve, a ainsi recueilli 296 voix pour, contre 58.

"Les géants du numérique doivent payer en France un impôt qui soit proportionnel à leur activité. Ils ont multiplié un certain nombre d'astuces légales pour faire en sorte que leur chiffre d'affaires et leur profitabilité ne soient pas connus", a dénoncé dans l'hémicycle le député macroniste pour justifier la hausse de la taxe.  

Le gouvernement s'y est opposé, craignant des représailles américaines. Recettes supplémentaires estimées : 882 millions d'euros. 

Un impôt minimal sur le chiffre d'affaires réalisé en France des multinationales

À l'initiative de la France insoumise, l'Assemblée a aussi adopté un impôt minimal effectif de 25% sur le chiffre d'affaires réalisé en France par les multinationales. Son rendement potentiel est estimé à 26 milliards d'euros par LFI. Mais, le gouvernement juge la mesure contraire aux réglementations européennes et internationales.  

La rédaction vous recommande
À écouter aussi

L’actualité par la rédaction de RTL dans votre boîte mail.

Grâce à votre compte RTL abonnez-vous à la newsletter RTL info pour suivre toute l'actualité au quotidien

S’abonner à la Newsletter RTL Info

En Direct

/

Bienvenue sur RTL

Ne manquez rien de l'actualité en activant les notifications sur votre navigateur

Cliquez sur “Autoriser” pour poursuivre votre navigation en recevant des notifications. Vous recevrez ponctuellement sous forme de notifciation des actualités RTL. Pour vous désabonner, modifier vos préférences, rendez-vous à tout moment dans le centre de notification de votre équipement.

Bienvenue sur RTL

Rejoignez la communauté RTL, RTL2 et Fun Radio pour profiter du meilleur de la radio

Je crée mon compte