C'est tout simplement le discours le plus important de sa vie. Depuis dix jours, la Première ministre prépare son discours de politique générale. Elle rature, corrige et renvoie version après version à la plume qui l'aide à le rédiger à Matignon. Pas question mettre le feu à l'hémicycle d'entrée de jeu pour Élisabeth Borne.
Devant les parlementaires, la cheffe du gouvernement va donner sa vision pour le pays. Mais elle ne pourra pas faire un discours de politique générale comme les autres Premiers ministres, parce qu'elle n'a pas de majorité absolue. Il faudra qu'elle fasse un "discours de la méthode", explique la journaliste politique de RTL Aurélie Herbemont. Ça sera un exercice hybride entre à la fois la feuille de route, le projet d'Emmanuel Macron, et comment elle compte réussir à bâtir des compromis et faire passer les textes.
Élisabeth Borne va devoir parler à trois publics différents, de trois manières différentes.
Olivier Bost, éditorialiste politique de RTL.
C'est un "crash test : ça passe ou ça casse", assure l'éditorialiste RTL Olivier Bost. Elle va devoir parler "à trois publics différents, de trois manières différentes" : d'abord aux Français pour installer sa posture de Première ministre, ensuite à sa majorité qu'elle va devoir tenir, puis parler à l'opposition en leur faisant passer des messages. Et elle doit quand même dire ce qu'elle veut faire, donner ses objectifs, détailler les réformes souhaitées par le Président.
En effet, dans l'esprit d'Élisabeth Borne, ce n'est pas seulement aux députés qu'elle doit s'adresser, réexplique le journaliste RTL Thomas Despré. "Elle va bien sûr donner sa feuille de route, montrer qu'elle est la femme de la situation, montrer qu'elle a déjà obtenu des résultats et qu'elle est capable de tenir un hémicycle qui s'annonce bouillant. Mais c'est surtout aux Français qu'elle va parler, les Français qui la connaissent finalement assez peu.", souligne Thomas Despré. Elle va devoir fendre l'armure, raconter son histoire : celle d'une fille d'immigrés, pupille de la nation que rien ne prédestinait à devenir Première ministre.
Mais il n'y aura pas pour autant de grandes envolées lyriques. Élisabeth Borne va faire ce qu'elle sait faire : du Borne, "un discours qui lui correspond", raconte son équipe à Thomas Despré. En clair, "je ne suis peut-être pas flamboyante, mais je suis sérieuse, bosseuse et vous pouvez, comptez sur moi", explique le journaliste. "Ça va être très sérieux, peut être même austère, elle ne va pas faire de révolution personnelle, même si elle a l'intention de mettre beaucoup d'elle-même dans son discours", souligne de son côté Aurélie Herbemont.
Pas question mettre le feu à l'hémicycle d'entrée de jeu pour Élisabeth Borne, qui a établi un vrai "discours de la méthode", ajoute la journaliste de RTL. La Première ministre a échangé avec le président de la République, elle a aussi consulté des députés, les élus locaux et des chefs d'entreprises ou des présidents d'associations. Il faut s'attendre à des clins d'œil aux présidents des groupes d'opposition qu'elle a rencontré la semaine dernière, histoire de montrer qu'elle les a entendus. "Ce ne sera pas un discours de politique générale comme les autres", admet Matignon.
Normalement, un Premier ministre déroule un programme présidentiel, le calendrier des réformes, le plan de bataille. Mais ça, c'est quand le gouvernement a les mains libres et la majorité absolue à l'Assemblée. Avec la situation actuelle, il ne semble pas possible pour Elisabeth Borne de se limiter à exposer une feuille de route. Élisabeth Borne va devoir expliquer la façon dont elle compte travailler avec les groupes politiques à l'Assemblée, comment elle compte faire naître une culture du compromis. "Elle doit dire sur quels sujets elle espère trouver un chemin partagé", suggère un conseiller de l'exécutif et "inciter tout le monde à être à la hauteur."
La situation économique sera très probablement un des thèmes développé par la Première ministre à l'Assemblée nationale. Pour le pouvoir d'achat, Élisabeth Borne dira qu'il faut "aller vite et tout le monde partagera l'objectif", explique son entourage. Il ne restera plus qu'à trouver les alliés pour y parvenir sur le fond.
Mais elle ne parlera pas des réformes sensibles comme celle des retraites. "De toute façon, vous croyez vraiment qu'on sait ce qu'on pourra faire sur les retraites ?", s'inquiète un proche d'Emmanuel Macron. Difficile donc de détailler. Un ministre résume la ligne de crête : "renoncer à la réforme des retraites ? Certainement pas. Rester obstiné à 65 ans sans négocier ? Certainement pas.", relate Aurélie Herbemont. Élisabeth Borne "ne se cachera pas derrière son petit doigt, assure Matignon, mais pas question de crisper tout le monde." dès son discours de politique générale.
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