Ce samedi 11 février, environ un million de personnes ont battu le pavé dans les cortèges contre la réforme des retraites. Les syndicats s'attendaient à plus, mais on ne peut pas en déduire que le mouvement s'essouffle. Les syndicats n’ont pas obtenu l’image de ce mouvement massif d’un million de personnes manifestant en bloc à un seul endroit. Ce qu’ils ont obtenu en revanche, ce sont des manifs un peu partout en France, dans les petites villes ou les villes moyennes à Boulogne-sur-Mer, à Saint-Omer, à Rodez, Lannion, à Villefranche-sur-Saône. Il n’y a pas eu une déferlante mais c’est plutôt l’image des petits ruisseaux qui font la grande rivière.
Cela prend davantage en province parce que c’est là où l’on ressent plus qu’ailleurs le recul des services publics, la Poste qui ferme par exemple, ou la maternité. C'est là aussi où l’on a un sentiment d’abandon, de déclassement, là où la désertification est la plus importante. C’est là où l’hôpital est souvent le 1er employeur, là où il y a le plus d’emplois peu qualifiés, là où il y a davantage de Français qui ont commencé à travailler tôt et donc une population qui attendait la retraite et qui va devoir patienter.
On a vu beaucoup de retraités aussi, qui ne sont pas concernés par la réforme mais qui retrouvent l’envie de dire non, qui étaient là par solidarité. Et il y avait aussi des gens qui avaient soutenu les "gilets jaunes". Tous ces Français qui font face également à la hausse des prix de l’essence, de l’énergie... Et les syndicats ne s’y trompent, c’est sur les régions, les petites communes qu’ils veulent s’appuyer puisqu’ils défileront jeudi prochain à Albi, cette ville du sud-ouest de 50.000 habitants où ils étaient 15.000 dans les rues samedi.
L’Élysée regarde de très près ces manifestations régionales, forcement après le traumatisme des "gilets jaunes", mais non, l’abandon de la réforme n’est pas au programme. Le texte va encore être débattu cette semaine à l’Assemblée et puis il va partir au Sénat, sans doute sans être voté parce que le temps manque. D’ailleurs ce qu’on peut regretter au Parlement, c’est la formule choisie par le gouvernement c’est à dire un débat très limité et aussi l’obstruction des députés de gauche.
Cela crée un climat tendu, cette guerre des nerfs à l’Assemblée pèse sur l’ambiance générale. Vous savez, dans de nombreuses petites villes ou villes moyennes où l’on a manifesté ces dernières semaines, il faut avoir à l’esprit que c’est là où le Rassemblement national a fait élire des députés, là d’où sont originaires les députés LR qui refusent de voter la réforme. C’est la France rurale, la France des villes moyennes, qui n’en peut plus, qui n’adhère plus. L’erreur serait de sous-estimer ce mouvement parce qu’il n’est pas Parisien.