Les syndicats jouaient gros ce jeudi 19 janvier à l'occasion de la réforme des retraites. Le contrat est rempli : plus d'un million de personnes dans les rues. (Philippe Martinez de la CGT dit 2 millions, c’est toujours cette bataille entre les chiffres des syndicats et ceux de la police). En tout cas, c’est assez massif mais ce n’est pas une surprise. On le voyait dans les sondages : 67% des Français ne soutiennent pas cette réforme et refusent l’idée de travailler plus longtemps.
Et puis, généralement, les rassemblements contre les réformes des retraites mobilisent, c’est toujours autour d’un million de manifestants. Les plus gros cortèges, c’était en 2010 contre la réforme Woerth, pour le passage de 60 à 62 ans, il y avait eu plus d’1,5 millions de personnes dans les rues. Donc avec ce million, les syndicats se sentent légitimes à faire une nouvelle grève, c’est un peu comme une autorisation à poursuivre le mouvement. C’est pour cela qu’ils ont appelé à une nouvelle journée de mobilisation le 31 janvier.
Mais pour en faire quoi, c’est toute la question : comment conduire la bataille ? Comment s’installer dans la durée ? Est-ce que ce million, les syndicats vont réussir à le garder dans la rue d’ici une dizaine de jours, et combien de semaines ? Est-ce qu’il va y avoir des grèves perlées ? Est-ce que certains vont prendre cette 1re étape réussie comme un feu vert pour bloquer ? Est-ce que les syndicats de l’énergie vont faire des coupures ? On ne sait pas sur quoi ce succès va déboucher.
On le sait d’autant moins que dans ce million de manifestants, il y avait un peu de tout, y compris des électeurs de Marine Le Pen. Les syndicats eux, ne s’étaient pas unis comme ça depuis 12 ans (depuis la réforme Woerth encore une fois), le front syndical c’est 8 syndicats. Donc soit c’est le point de départ de quelque chose, soit ça va s’effilocher au fil du temps. On sait qu’il y a une différence de vue entre les deux plus grandes centrales syndicales, la CFDT et la CGT.
La CGT étant plus favorable à des grèves reconductibles et à un mouvement dur, tandis que la CFDT est moins à l’aise avec une paralysie du pays. Cela va dépendre d’au moins 3 facteurs. D'abord l’opinion, est-ce qu’il va y avoir une adhésion dans la durée ? On évoquait les sondages, les Français sont très majoritairement contre la réforme mais ils sont aussi résignés : ils sont près de 80% à estimer que le gouvernement ira jusqu’au bout.
Il va y avoir aussi le Parlement : si la majorité et les LR topent plutôt rapidement, cela peut provoquer une rupture entre les plus modérés et ceux qui veulent le chaos. Et bien sûr, il y a ce qui peut encore se discuter avec le pouvoir, Élisabeth Borne a dit que son projet était amendable, Emmanuel Macron a parlé d’améliorations... Ça aussi c’est de nature à fissurer le front syndical. Donc l’unité syndicale, elle n’est pas encore consolidée, elle reste à construire.