ÉDITO -"Plus gaulliste que macroniste" : Sébastien Lecornu revendique l’héritage de Pierre Messmer, pour Étienne Gernelle

Dans son livre, le nouveau Premier ministre cite à plus de trente reprises Pierre Messmer, ministre de De Gaulle et chef du gouvernement sous Pompidou. Plus qu’un hommage, une filiation : loin du macronisme technocratique, Sébastien Lecornu revendique l’héritage d’un gaullisme social aujourd’hui presque disparu, selon Étienne Gernelle.

Sébastien Lecornu, le 8 janvier 2025

Crédit : Ludovic MARIN / AFP

Le modèle de Sébastien Lecornu, c'est Pierre Messmer

00:03:11

Je m'abonne à la newsletter « Politique »

À chacun ses idoles. Mais décidément, nos Premiers ministres ont tendance à avoir des modèles en noir et blanc. Après Mendès France, voilà que Sébastien Lecornu nous ressuscite Pierre Messmer.

Aussi, pour comprendre qui est le nouveau Premier ministre, il faudra lire, ou relire, l’histoire de Pierre Messmer. Elle est passionnante. Dans son livre publié l’an dernier, intitulé "Vers la guerre" (Plon), Sébastien Lecornu cite cet homme politique une trentaine de fois. Il le décrit comme "une source d’inspiration permanente".

Alors, qui était Pierre Messmer ? Compagnon de la Libération, héros de Bir Hakeim et d’El-Alamein, il fut pendant neuf ans ministre des Armées du général de Gaulle. Puis, Premier ministre sous Georges Pompidou pendant un an et dix mois. À noter : confronté au premier choc pétrolier, il fut le tout premier à évoquer officiellement à la télévision le terme de "gaspillage". Chez Sébastien Lecornu, le "gaspillage" concernera sans doute davantage la dépense publique que le pétrole.

Un courant gaulliste social

Que dire de cette référence à l’ancien Premier ministre de Pompidou ? Elle révèle déjà une filiation intellectuelle : celui qu’on présente comme un macroniste pur jus se situe plutôt du côté de la droite, plus précisément du gaullisme, et même du gaullisme social. Cette famille politique étrange, autrefois représentée par Philippe Séguin et aujourd’hui timidement revendiquée par Gérald Darmanin, a presque disparu. Messmer, d’ailleurs, entretenait des amitiés à gauche : il avait, par exemple, d’excellentes relations avec le socialiste Gaston Defferre.

Sébastien Lecornu, s’il est fidèle à Emmanuel Macron, ne ressemble pas vraiment aux macronistes de la première heure. Cette petite bande très techno, très diplômée, très start-up nation version haute fonction publique. Lui, c’est avant tout un élu local, maire de Vernon, gaulliste, se réclamant d’un baron un peu oublié : Pierre Messmer. Pas exactement un clone macroniste.

Il n’aura donc pas réellement besoin de "tuer le père". Mais il devra prendre ses distances s’il veut réussir. Car, à l’Assemblée, ce qui agace, c’est ce sentiment, vrai ou faux, qu’Emmanuel Macron se prolonge à Matignon, qu’il s’y nomme lui-même. Le président semble pourtant vouloir lui laisser les mains libres, mais vous savez : chasser le naturel, il revient au galop. L’heure des frictions viendra forcément.

Pour Sébastien Lecornu, il est plus simple de défendre l’héritage d’un grand ancien comme Pierre Messmer que celui d’un président encore en exercice. Après tout, il n’est pas le premier en politique à se chercher des modèles. Remontons à Aristote : on lui demandait ce qui vieillissait le plus vite. Il répondit : "la reconnaissance". Intéressant.

La rédaction vous recommande