ÉDITO - "La clause miroir met d’accord les écologistes et les agriculteurs", souligne Alba Ventura

Emmanuel Macron a reçu le patron de la FNSEA et le leader des jeunes agriculteurs mardi. Les agriculteurs maintiennent la pression à trois jours du salon de l’agriculture.

La vache "Oeillette", égérie du Salon de l'agriculture 2024

Crédit : LOU BENOIST / AFP

ÉDITO - La crise agricole n'est pas terminée

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Il était urgent de les recevoir, parce que le Salon de l’Agriculture, c’est dans 3 jours. La tension n’est pas vraiment redescendue. C’est pour ça que le Président, le Premier Ministre, et les ministres : tout le monde est au chevet des agriculteurs depuis plusieurs semaines. Et il était temps, parce que la colère gronde depuis l’automne. Ils ont été patients, les agriculteurs. Il y a deux axes sur lesquels le président et le Premier Ministre peuvent agir au plus vite et concrètement.

D’abord, faire respecter la loi Egalim, la loi qu’Emmanuel Macron a fait voter en 2017 et qui devait garantir aux agriculteurs d’être payé au juste prix face à la grande distribution et à l’industrie agro-alimentaire. On a vu qu’il y avait plusieurs dizaines d’acteurs qui ne jouaient pas le jeu. Mais on aurait pu se réveiller plus tôt et multiplier les contrôles.

L’autre point, ce sont les normes. Vous vous souvenez, il y a 14 réglementations sur les haies. Bon, ça, c’est une maladie française, mais il faut enlever de la complexité. Les agriculteurs, ce sont d’abord des petits patrons. Voilà les deux axes sur lesquels l’État peut agir vite. C’est absolument primordial pour soulager les agriculteurs, mais ça ne va pas régler leurs problèmes.

L'agriculture vertueuse française face à la concurrence déloyale des autres pays

Vous vous souvenez de leur slogan quand ils ont manifesté ? "N’importez pas ce que vous nous interdisez de produire". Il est là le nerf de la guerre, le problème de fond. Nous, en France, nous avons une agriculture plus vertueuse qu’ailleurs, qui est soumise à la concurrence déloyale des autres pays.

Oui c’est comme ça qu’on fait venir des poulets "bourrés" d’antibiotiques de croissance, parce que chez nous c’est interdit. C’est comme ça que notre moutarde de Dijon est canadienne, parce qu’on a interdit un traitement, et tant mieux, sauf qu’il n’y avait pas d’alternative. Résultat, aujourd’hui 80% de nos graines de moutarde viennent du Canada qui, eux, utilisent ce même pesticide interdit en Europe.

Et puisque l’on parle du Canada, figurez-vous que la lentille du Puy, la fameuse lentille verte du Puy… Eh bien la plupart de ces lentilles sont largement concurrencées, parfois sur les mêmes chaines de production, par des lentilles venues du Canada cultivées avec des pesticides, interdits ici. Je vous conseille de lire l’excellent livre d’Erik Orsenna et Julien Denormandie, ancien ministre de l’agriculture, Nourrir sans Dévaster à ce sujet.

Ce constat n’est pas une fatalité, mais ça passe par Bruxelles. C’est à l’Europe d’interdire, mais c’est très compliqué parce que ça remet en cause des accords internationaux que l’on a signés. C’est pour ça que la France plaide pour ce que l’on appelle des "clauses miroirs" en agriculture : interdire en France l’entrée de denrées qui sont cultivées avec des produits interdits chez nous. L’intérêt de cette clause miroir, c’est qu’elle met d’accord les écologistes et les agriculteurs. C’est une forme de protectionnisme, mais encore une fois, ça répond à une concurrence déloyale.

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