Plus le temps passe, plus l’impact économique du conflit en Ukraine s’intensifie et s’étend parce qu’on a eu deux surprises. La première touche au poids de la Russie. Sur le papier, la Russie n’est qu’une puissance économique de second ordre, au 11 rang mondial, avec un PIB en gros deux fois inférieur à celui de la France alors qu’elle est deux fois plus peuplée.
Le commerce que nous entretenons avec elle, nous Français, est marginal, si l’on s’en tient à la simple valorisation des échanges. Et pourtant, son poids relatif est bien plus important et pas seulement parce qu’elle possède l’arme nucléaire.
Il y a aussi des raisons économiques, car il y a du made in Russia partout, comme le pays exporte de nombreuses matières premières. En petites quantités, mais suffisantes pour que ces métaux, céréales ou bien sûr pétrole ou gaz manquent, et que leur disparition déstabilise les marchés mondiaux, en faisant monter les prix.
Et l’influence de la Russie a été démultipliée par la mondialisation. Un exemple. Il y a deux jours, un haut responsable gouvernemental me racontait que pour compenser les importations de céréales russes, la France s’était tournée vers le Brésil. Manque de chance, le Brésil est lui-même entravé, parce qu’il utilisait des engrais venant de Russie ! C’est l’effet papillon, disait mon interlocuteur. Des papillons de ce genre, il y en a d’innombrables.
Là encore, l’analyse des chiffres macro-économiques induit en erreur, car il aurait tendance à nous faire sous-estimer l’impact, qui est bien sûr localisé, mais aussi très puissant. Prenons ici encore des exemples. TotalEnergies, pour lequel la Russie représente 16% de la production d’hydrocarbures, pour lequel encore les projets en cours de développement sont considérables, dans le gaz, au Nord du pays, et mobilisent des dizaines de milliards de dollars d’investissement.
Auchan, qui réalise 18% de son chiffre d’affaires en Russie, et qui projetait, avant la guerre, de transférer d’Asie en Russie la production des vêtements vendus dans les magasins européens de l’enseigne…Renault, qui a réalisé en Russie l’année dernière la moitié de ses profits dans l’automobile, en vendant 400.000 voitures. Autant dire que pour ces entreprises, la guerre est un séisme.
Elle touche aux sanctions. Naguère, les sanctions économiques à l’endroit du pays renégat étaient prises par des administrations, américaine généralement, qui veillait à ne pas heurter ses propres intérêts. Rien de tel ici, où la pression provient de la société, choquée par une guerre si proche qu’elle leur semble à leur porte. C’est la première fois qu’une guerre se déroule en Europe à une telle échelle depuis longtemps.
Il y avait quand même eu le conflit de l’ex-Yougoslavie… C’est vrai, mais il avait eu beaucoup moins d’impact sur l’opinion publique européenne. Du coup aujourd’hui, certains salariés de Leroy-Merlin, actif en Russie, exige son retrait. Un actionnaire de TotalEnergies lui demande la même chose. Et les gouvernements eux-mêmes sous pression de leurs électeurs, ne cessent de durcir les sanctions économiques contre la Russie, quitte à ce que les conséquences nous atteignent aussi plus durement.
Le sommet européen de demain et vendredi devrait en rajouter une louche, en interdisant les achats de pétrole russe en Europe. Et peut-être les chefs d’état européens en viendront-ils un jour à ne plus acheter de gaz russe, ce qui plongerait le continent dans une profonde récession, plus sérieuse encore que celle de 2020, disait récemment le patron de Volkswagen. Interpénétration des économies et pression de l’opinion publique se conjuguent donc pour renforcer les effets économiques de cette guerre, malgré le faible poids de la Russie dans l’économie mondiale.
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