Chaque fonctionnaire appartient à l’un des 305 corps de la fonction publique française. Au sein de chaque corps, il y a trois grades. Au sein de chaque grade, plusieurs échelons. Et à chaque échelon correspond un nombre de points, le fameux point d’indice salarial, qui est la brique de base du Lego.
Quand on augmente le point, ce sont donc tous les traitements des fonctionnaires qui augmentent mécaniquement. Ca n’avait pas été fait depuis 2016, juste avant la dernière élection présidentielle. Le soleil se lève le matin, les cigognes migrent à l’automne, et le point d’indice augmente à la veille d’une élection importante. On se demande bien pourquoi.
Mais ce ne veut dire que les fonctionnaires n’avaient pas été augmentés depuis 5 ans car il y a bien d’autres paramètres. L’ancienneté tout d’abord, et l’avancement. Sans compter les primes, avec d’innombrables critères d’attribution, qui peuvent représenter jusqu’à 20% du salaire. Sans compter encore les mesures catégorielles. Un rapport de la Cour des comptes de 2017 relevait que l’état rémunère ses agents sur la base de 1700 textes et de 5400 règles de paye indemnitaires.
Si l’on en croit le spécialiste François Ecalle et son excellent site Fipeco, la rémunération par agent a progressé en termes réels, c’est-à-dire une fois l’inflation déduite, de 1,5% pour les employés de l’état, 1,1% pour ceux des collectivités locales, et de 0,8 dans la fonction publique de l’hôpital, entre 2007 et 2019. A titre de comparaison, le secteur privé a fait lui, + 2,5%.
Sur le plan de la réforme de l’état, le bilan d'Emmanuel Macron est maigre. Pour deux raisons. D’abord le sujet ne l’intéresse manifestement pas beaucoup, sans doute parce qu’il est lui-même un haut fonctionnaire de formation et de culture, et doit considérer que cela ne marche pas si mal. La seule réforme profonde, c’est justement la suppression de l’ENA, qui se met en place tout juste. L’autre raison ne tient pas à lui, c’est l’épidémie, qui a accru considérablement la demande d’état de la part des Français.
Comme en temps de guerre. Ce n’est pas la période la plus propice pour renverser l’écritoire. Le président a d’ailleurs renoncé, en cours de mandat, à sa promesse de candidat, qui était de supprimer 50 000 postes. En réalité, Macron laissera la France avec davantage de fonctionnaires que lorsqu’il a été élu. Il y avait, fin 2020, 5 millions 700 000 fonctionnaires en France, si l’on ajoute l’état, les collectivités locales et les hôpitaux. Alors que c’était 5 millions 530 000 à la fin 2016.
Il y a eu de bonnes choses, comme l’obligation faite aux villes de faire travailler leurs agents 35 heures par semaine – nombre d’entre elles étaient bien en dessous, et certaines continuent à résister. Ou le rétablissement du jour de carence, ce premier jour d’absence non payé, comme dans bon nombre d’entreprises privées, pour lutter contre l’absentéisme.
Pour le reste, deux plans d’augmentation massifs ont été lancés, à l’éducation nationale, et surtout à la santé (12 milliards d’euros sur la seule année 2022). C’était nécessaire, tant pour les soignants que les enseignants. On peut quand même regretter que les organisations administratives en place, avec leur inefficacité, aient été laissées inchangées malgré l’occasion de réforme qu’offraient les augmentations.