"Bruno Retailleau va se radicaliser" : pourquoi le ministre de l'Intérieur multiplie les provocations à l'égard de la macronie

Libre et peu loyal ? Malgré le fait d'être connu pour ne pas être le plus ardent défenseur du macronisme, Bruno Retailleau a jugé nécessaire d'enfoncer le clou dans un entretien dans l'hebdomadaire Valeurs actuelles publié le 22 juillet.

Le ministre de l'Intérieur prédit la fin, selon lui, du mouvement politique d'Emmanuel Macron. "Le macronisme s'achèvera avec Emmanuel Macron, tout simplement" parce qu'il "n'est ni un mouvement politique, ni une idéologie : il repose essentiellement sur un homme". "Je ne crois pas au 'en même temps'", a-t-il ajouté avant d'insister : le président de la République "alimente l'impuissance".

Bruno Retailleau a déclenché l'ire des ministres macronistes qui ont répliqué. À commencer par Elisabeth Borne. La ministre de l'Éducation nationale a écrit sur X que "le macronisme est une idéologie et un parti politique. Tenter de diviser le socle commun, c’est affaiblir les remparts contre les extrêmes !". La ministre de l'Écologie Agnès Pannier-Runacher lui reproche de "diviser". "Diviser pour diviser ne constitue pas un projet", a-t-elle écrit sur X. La ministre de l'Égalité entre les femmes et les hommes, Aurore Bergé a aussi répondu à son collègue de la place Beauvau. "Le macronisme ne s'arrête pas. Ni aujourd'hui, ni dans deux ans, ni après", a-t-elle tonné sur X.

Précipiter la fin du socle commun

L'agacement présidentiel s'est fait sentir jusqu'en Conseil des ministres où Emmanuel Macron et Bruno Retailleau ont eu un échange tendu, selon plusieurs sources. Si Bruno Retailleau était décrit il y a an par les membres du gouvernement comme un "bon camarade", certains ont révisé leur jugement. En juin dernier, un ministre perçait la stratégie de communication de Bruno Retailleau. "Il a une volonté de choquer", critiquait-il. "Bruno Retailleau va se radicaliser", prédisait il y a quelques semaines un ministre macroniste.

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Relations entre la France et l'Algérie, politique écologique et ZFE (zones à faibles émissions, ndlr), proportionnelle aux législatives... Depuis son maintien au gouvernement, Bruno Retailleau a multiplié les provocations à l'égard d'Emmanuel Macron et de François Bayrou. Les propos de Bruno Retailleau dépassent largement le cercle gouvernemental et ont un écho au sein du socle commun, déjà très fragilisé. "Cela peut empêcher la capacité à travailler ensemble", craint un ministre cité plus haut. 

Agacement et lassitude du socle commun

Au sein du groupe Renaissance, l'agacement est palpable. "Bruno Retailleau a dépassé les bornes et une bonne partie d'entre nous sommes enclin à exprimer un désaccord sur son comportement", estime une députée macroniste qui se demande si Bruno Retailleau veut "précipiter un remaniement". "Il suit la piste Ciotti en voulant se rapprocher de l'extrême droite, tout en se faisant passer pour une victime qui n'a pas eu les mains libres", fustige l'élue. Quant à un autre député Renaissance, la sentence est actée : "Qu'il sorte (du gouvernement, ndlr) ou qu'on le fasse sortir". L'autre membre du socle commun, le MoDem, n'en pense pas moins. Un député centriste juge les propos de Bruno Retailleau de "lamentables", lassé des multiples sorties de route gouvernementale opérées par le ministre de l'Intérieur. 

Certains en macronie y voient pourtant une opportunité. La rivalité affichée entre Les Républicains et Renaissance et donc entre Bruno Retailleau et Gabriel Attal pourrait être une stratégie "gagnant-gagnant", selon un proche de l'ancien premier ministre cité par Le Parisien. "Comme Retailleau est ultra-conservateur et sous tutelle intellectuelle du Rassemblement national, il nous ouvre un champ politique assez large", notait-il. Côté Bruno Retailleau, on y voit aussi un avantage politique. "Qu’Attal veuille reconstruire le centre gauche, c’est très bien pour nous, puisque l’on croit au clivage droite-gauche. Et cela permet à Bruno de ne pas se dissoudre dans le macronisme", explique Les Républicains au journal.

Il a intérêt à faire le plus possible pour montrer sa différence

Un député Les Républicains

Chez Les Républicains, on soutient le chef. "Il a factuellement raison, défend une élue LR. Ce n'est pas une critique, c'est un fait. Dans deux ans, Emmanuel Macron ne sera plus président de la République et donc ce sera la fin du macronisme". Quant au socle commun pourtant défendu par Michel Barnier quand il était à Matignon, la députée assure : "Seul l’intérêt de la France et des Français compte. Il faut arrêter les susceptibilités, nous avons des désaccords, c’est évident". 

L'objectif affiché par Les Républicains est clair : être en capacité de "gagner et préparer l'alternance". "Si Bruno Retailleau a des ambitions, il n'ira pas jusqu’au bout du bout avec ce gouvernement, estime un député LR. Il faut montrer ce qu’on propose et que la droite, ce n'est pas le macronisme. Il a intérêt à faire le plus possible pour montrer sa différence". Quitte à prendre le risque d'être une nouvelle fois recadré par Emmanuel Macron. Mais pour une ministre, les rappels à l'ordre du chef de l'État sont vains. "Ça ne marche que sur les siens et ce terrain-là se rétrécit", explique-t-elle de façon laconique.