Le premier ministre a en fait récapitulé les mesures déjà en vigueur, et celles déjà annoncées : suppression progressive de la taxe d'habitation, baisse de l'impôt sur le revenu, défiscalisation des heures supplémentaires, suppression de l'ISF... En en faisant l'addition, Édouard Philippe arrive à 27 milliards sur le quinquennat.
Mais ce décompte comporte des abus, car le vrai chiffre est plutôt de l'ordre de 23 milliards d'euros. La différence, 4 milliards, ce sont des baisses d'impôt décidées aujourd'hui, mais qui ne s'appliqueront qu'après le quinquennat, en 2022 et 2023. Qui s'appliqueront donc si le nouveau président élu en mai 2022 ne les remet pas en cause, ce qui est hypothétique.
Il s'agit de la suppression progressive de la taxe d'habitation pour les contribuables dits aisés, ceux qui gagnent plus de 2.700 euros par mois, qui devront donc attendre l'après quinquennat, si la mesure est maintenue. Autant dire qu'ils ne doivent pas trop y compter.
C'est une vraie baisse, mais cela n'a rien d'un choc.
François Lenglet
De plus, il s'agit pas d'une baisse "historique" des impôts, comme le prétend Édouard Philippe. C'est un gros point de PIB, sur cinq ans. Cela représente près de 2,5% de la totalité des impôts et taxes payés en France. C'est une vraie baisse, mais cela n'a rien d'un choc fiscal.
Quant à se comparer à l'Histoire, le gouvernement de Lionel Jospin a fait davantage, au début des années 2000, lorsque Laurent Fabius était à Bercy. Et pour mémoire, le début du quinquennat Sarkozy, en 2007, a vu une baisse d'impôts du même ordre, sur quelques mois seulement. C'est vrai que les impôts ont ensuite remonté, à la fin du quinquennat, en 2011-2012.
Ces mesures vont profiter à tout le monde, sauf une catégorie de Français. Les gagnants d'abord, c'est la classe moyenne. Si elle paye l'impôt sur le revenu, elle va sentir la facture s'alléger, grâce à la baisse de la première tranche, qui passe de 14% à 11%, ce qui représente 350 euros en moyenne pour 12 millions de foyers.
Et si elle ne paye pas d'impôt, elle verra quand même parfois ses revenus augmenter, grâce à la hausse de la prime d'activité. Et elle profitera de la suppression de la taxe d'habitation. Les gros gagnants ensuite, ce sont les très fortunés, qui ont vu l'ISF disparaître et l'impôt sur les dividendes baisser fortement, dès le début du mandat d'Emmanuel Macron.
Et entre les gagnants et les gros gagnants, il y a les pigeons. Ceux qui sont juste assez riches pour ne pas profiter des mesures classes moyennes, et pas assez pour profiter de la réforme de l'ISF. Ce sont ceux qu'on appelle les aisés.
Un aisé gagne au moins 35.000 euros de revenus annuels, ce qui fait 10 à 15% des Français. C'est la "chair à canon fiscale", qui a été déjà fort malmenée par François Hollande, et qui est oubliée par Macron. Le paradoxe, d'ailleurs, c'est ce que ce sont eux qui constituent son électorat.
Le premier ministre n'a donné ce mardi aucun élément concret sur le financement de ces mesures, si ce n'est des pistes assez vagues pour réduire les niches fiscales des entreprises, c'est à dire augmenter leurs impôts. Pour le reste, c'est l'inconnu. Et quand c'est l'inconnu, c'est en fait très bien connu. C'est le déficit.