80 ans du droit de vote des femmes : existe-t-il un vote féminin en France ?

"On est aussi intelligentes que les hommes, et aussi capables que des hommes de savoir pour qui on vote". Il y a 80 ans, Marcelle a voté pour la première fois lors des élections municipales de 1945 et témoignait à l'antenne de RTL. À l'époque, on estime que la vaste majorité des couples ont voté pour le même parti. Il existe une homogénéité du vote au sein des structures familiales très liées à la classe sociale. Mais est-ce que c'est toujours le cas 80 ans plus tard ? Pour quels partis votent les électrices françaises ? 

Invitée de RTL, Nonna Mayer, chercheuse au centre d'études européennes et de politique comparée de SciencesPo CNRS note une "spécificité". "Les femmes ont obtenu le droit de vote un siècle après les hommes. Et donc, il y a eu une période d'apprentissage de la politique. Au début, il y a une première période, ce qu'on appelle aux États-Unis, le 'gender gap', c'est-à-dire le différentiel homme-femme traditionnel. Dans un premier temps, elles votaient moins, il leur a fallu du temps pour apprivoiser le suffrage universitaire", explique-t-elle. 

Ensuite, les femmes ont eu un vote plus conservateur "parce qu'elles n'avaient pas encore gagné en autonomie professionnelle". ajoute Nonna Mayer. "Elles n'avaient pas encore été à l'université, les pratiques religieuses étaient encore fortes, autant de facteurs qui inclinaient à droite. À partir des années 60, elles vont rentrer en masse sur le marché du travail et vont voter autant que les hommes et les jeunes. Elles vont surtout se mettre à voter autant pour la gauche et même parfois plus", poursuite la chercheuse. 

"L'effet Marine Le Pen"

Une nouvelle étape est alors franchie dans l'évolution du vote des femmes avec la montée des droites extrêmes en Europe. Les Américains ont identifié ce phénomène comme étant le "radical right gender gap". Cela correspond à "l'idée qu'il y a un différentiel sur le vote pour les partis d'extrême droite, les droites radicales populistes en Europe, avec une nette réticence des électrices par rapport à ces partis. En France, Jean-Marie Le Pen faisait souvent 7 points de moins de pourcentage chez les électrices que chez les électeurs", détaille Nonna Mayer. 

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Cette tendance va évoluer à partir de 2011, année où Marine Le Pen est devenue présidente du Front national. "Marine Le Pen a réussi à attirer à elle le vote des électrices. Elle a normalisé, adouci l'image du parti (...) a donné une image beaucoup plus lisse du parti et a vraiment délibérément ciblé le vote des électrices. À l'élection présidentielle de 2012, 2017, 2022, il n'y a plus aucune différence entre le soutien des hommes et des femmes et aux élections de 2024 non plus", a analysé Nonna Mayer.

Quid de Jordan Bardella ?

Et qu'en est-il de Jordan Bardella ? Selon Noémie Piolat qui a co-écrit cette étude à paraître dans la Revue française de sciences politiques, "aux dernières élections législatives, les femmes comme les hommes ont voté dans les mêmes proportions pour le Rassemblement national (...) Plus un individu a des valeurs très conservatrices sur ses questions de genre, plus une personne est sexiste, plus elle va soutenir le Rassemblement national, là où une personne qui va être beaucoup plus ouverte sur ces questions-là et qui ne va pas avoir des attitudes très conservatrices sur ces questions de genre et de sexualité soutiennent plutôt le Nouveau Front Populaire".

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