L'islamologue suisse Tariq Ramadan a été acquitté ce mercredi 24 mai par le tribunal correctionnel de Genève. Il était jugé pour viol. Les juges ont estimé qu'il n'y avait pas de preuve contre l'accusé. Il recevra par ailleurs environ 151.000 francs suisses (environ 154.400 euros) d'indemnités de l'Etat de Genève. Trois ans de prison dont la moitié ferme avaient été requis la semaine dernière par le procureur. À l'énoncé du verdict, la partie plaignante a immédiatement annoncé faire appel. "Nous allons nous battre jusqu'au bout", a déclaré l'avocat de la plaignante aux journalistes, Me Robert Assaël.
Au vu de "la position antagoniste des parties, l'absence d'éléments matériels, les contradictions des divers témoignages (...), les constatations des deux médecins psychiatres contradictoires sur des points importants et les messages adressés par la plaignante au prévenu après les faits, le tribunal n'a pas été en mesure de se forger une intime conviction de culpabilité au-delà de tout doute insurmontable", a déclaré le président du tribunal, Yves Maurer-Cecchini.
Son procès, très attendu, a mis au jour deux versions opposées des faits. Tariq Ramadan, figure charismatique et contestée de l'islam européen, nie de son côté tout acte sexuel et se dit victime d'un "piège". Convertie à l'islam, la plaignante, "Brigitte", qui a choisi ce pseudonyme pour se protéger des menaces, assure en revanche que l'islamologue l'a soumise à des actes sexuels brutaux accompagnés de coups et d'insultes dans la chambre de l'hôtel genevois où il séjournait, la nuit du 28 octobre 2008.
"Brigitte", aujourd'hui âgée de 57 ans, a porté plainte dix ans après les faits, en 2018, encouragée, a-t-elle expliqué, par le fait que d'autres femmes aient fait de même contre Tariq Ramadan en France. L'islamologue est en effet soupçonné de viols commis entre 2009 et 2016 sur quatre femmes en France. Le parquet de Paris a requis en juillet son renvoi devant une cour d'assises et il appartient aux juges d'instruction d'ordonner un procès ou pas. Le dossier français lui a valu plus de neuf mois de détention provisoire en 2018.
"Les débats que nous avons vécus, avec une partialité rare du tribunal qui a été dénoncée par moultes médias et d'autres personnes, ne laissaient augurer rien de bon", a estimé Me Robert Assaël. "On est choqués par cette décision. Bien sûr qu'un appel s'imposait et nous allons nous battre jusqu'au bout pour que la parole de la victime soit entendue".