En septembre 1995, Donald Davila, Stéphanie Sané et leurs deux enfants, Donatella et Donald Junior disparaissent soudainement à Vaux-le-Pénil (Seine-et-Marne). Pourtant, personne ne semble se soucier de cette mystérieuse disparition, excepté Gilberte Crovisier, la mère de Stéphanie. Ses proches ont-ils décidé de partir, sans prévenir ?
Cette grand mère n'y croit pas. D'autant plus que les Davila ont laissé toutes leurs affaires dans leur cabanon. Pour elle, cela ne fait aucun doute : derrière l'absence de ses proches se cache une vérité bien plus sombre. Aux suspicions de Gilberte s'ajoutent des éléments troublants : un homme s'est installé dans le cabanon de la famille avec une femme. Le 25 septembre 1995, Gilberte leur rend visite. L'homme la reçoit. Selon lui, le couple et leurs deux enfants seraient partis en vacances et lui auraient confié la charge de garder le domicile en leur absence.
Après avoir maintes fois alerté les autorités et face à leur inaction, Gilberte décide de mener l'enquête seule. Huit mois plus tard, c'est elle qui va mettre les gendarmes sur la piste de cet homme qui occupe le domicile des disparus, Edgar Boulai, un voisin de la famille. Et son intuition va s'avérer se concrétiser… L'homme est bien connu des services, pour des faits de violences et de vol.
Elle va dire qu'elle a reçu une lettre de Boulai, qu'elle a lu soi-disant en diagonale
Gilberte Crovisier
En amont, Edgar Boulai est arrêté pour une toute autre raison : une énième conduite en état d'ivresse. Alors qu'il est incarcéré à la maison d'arrêt de Melun, le principal suspect écrit à une femme, une certaine Monique Binart, médecin généraliste à Dammarie-les-Lys. "Le 22 juillet, quand ils vont découvrir que c'est sa maîtresse, ils vont la faire venir au commissariat et ils vont un peu la cuisiner", se souvient parfaitement Gilberte. "Je revois la femme que j'ai vu le 25 septembre chez ma fille", poursuit-elle.
Les gendarmes auditionnent alors ce nouveau témoin, et son discours s'avère peu convaincant. "Elle va dire qu'elle a reçu une lettre de Boulai, qu'elle a lu soi-disant en diagonale, qu'elle a déchiré en mille morceaux avant de la mettre dans la poubelle", indique la mère de Stéphanie. La vérité va vite rattraper celle qui protège son amant. Les forces de l'ordre retrouvent cette fameuse lettre et la reconstituent. Sur celle-ci, les propos d'Edgar Boulai sont clairs : il lui dicte la version des faits à livrer aux autorités.
Je revois la femme que j'ai vu le 25 septembre chez ma fille
Gilberte Crovisier
Personne ne sait encore où se trouvent les membres de la famille Davila. Ce n'est que le 23 septembre 1996, soit un an après leur disparition, que Gilberte apprend le pire. Les corps des quatre membres de la famille ont été retrouvés enterrés sur le terrain abandonné où ils résidaient. Autour des cadavres se trouvent des ossements de poulets. Les gendarmes se questionnent sur un éventuel rituel… Plus étonnant encore, l'enquête révèle qu'Edgar Boulai était également en contact régulier avec un prêtre vaudou.
Pour autant, les expertises sont claires et les preuves l'accablent. L'homme est jugé en juin 2000 pour le quadruple meurtre de la famille Davila. Bien que le meurtrier clame son innocence, le tribunal de Melun le condamne à la réclusion criminelle à perpétuité. En mai 2001, Monique Binart, elle, est relaxée. Après que le parquet de Melun ait fait appel, elle est à nouveau jugée un an plus tard, à la 11e chambre correctionnelle de Paris.
La docteure est condamnée à six mois de prison dont trois avec sursis. Aujourd'hui, cette médecin généraliste continue d'exercer sa fonction dans la commune de Dammarie-les-Lys. Edgar Boulai, quant à lui, a fait une demande de remise en liberté conditionnelle en août dernier. Celle-ci est en train d'être examinée.
Dix-huit ans après l'affaire, Gilberte reste convaincue que d'autres coupables se cachent derrière l'assassinat de ses proches. Pour elle, Boulai en est l'exécuteur, pas le moteur. "Lui, il avait les mains criminelles mais la tête pensante, elle, n'a jamais été punie", regrette-t-elle.
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