Été 2011. Deux plaisanciers aperçoivent un objet flottant au large : il s'agit d'une valise. Curieux, ils la hissent à bord et l'entaillent pour examiner son contenu... un pied en sort. C'est un cadavre. Aussitôt les secours et la gendarmerie, sont alertés. Une enquête est ouverte.
"Un cadavre entier dans une valise, il y a eu que neuf cas au monde", souligne le directeur d'enquête Robert La Gautrière dans Les Voix du crime. Dès le départ, l'affaire est à la fois exceptionnelle et complexe. "On n'a pas de pièce d'identité. On sait déjà que les empreintes ne donnent pas d'identité et l'ADN non plus. Donc il va falloir trouver une autre méthode pour identifier ce corps."
L'équipe du Major La Gautrière se lance dans un examen minutieux de chaque objet retrouvé près du cadavre. Le cordage, les vêtements, la valise elle-même... Tout est passé au crible. C'est finalement une clé qui va attirer l'attention des enquêteurs.
On va saisir brosse à dents, rasoir pour extraire les différents ADN
Robert La Gautrière
L'un d'entre eux, spécialiste des analyses criminelles, va identifier grâce à la marque de cette clé (Vachette) et à son numéro de série (CPML38) toutes les ventes de serrures correspondantes. L'entreprise leur confirme qu'il en existe... 399.
"On part par binômes à la semaine et on va monter sur l'Est de la France. On va aller sur le Nord de la France. On va commencer par Lorient, bien sûr, les environs, mais vite la Bretagne va être écartée et donc on va élargir et on va à Marseille, on va à Toulouse, on va à Dunkerque, on va à Clermont-Ferrand, on va à Lyon..." énumère le Major La Gautrière.
C'est finalement en région parisienne qu'un enquêteur va résoudre le mystère de la clé Vachette : un serrurier se rappelle être intervenu sur un appartement, avoir démonté la serrure. Coup de chance : il l'a même gardée. La clé ouvre un barillet, deux, puis trois : c'est la bonne. L'équipe de Robert La Gautrière a désormais une adresse à perquisitionner.
Une fois la porte ouverte, le directeur d'enquête décrit "un appartement juste minable". La gendarmerie scientifique intervient pour prélever les empreintes. "On va saisir brosse à dents, rasoir pour extraire les différents ADN. Et ces ADN vont être comparés à l'ADN de notre cadavre." Encore une fois, tout correspond. Le cadavre dans la valise a enfin un nom : Farid Ouzzane.
C'est les seules qui peuvent expliquer là ou il est, là où il est pas
Robert La Gautrière
Très vite, la brigade de répression du proxénétisme informe les équipes bretonnes que Farid Ouzanne était un de leurs indics surnommé "Mickaël" et qu'il travaillait dans un salon de massage, avec deux autres femmes qui visiblement, se prostituaient. Une certaine Sabrina et une certaine Maëlle. "C'est les seules qui ont intérêt à la disparition de Mickaël, indique Robert La Gautrière. C'est les seules qui peuvent expliquer là ou il est, là où il est pas."
L'étau se resserre et grâce à une fuite intentionnelle dans la presse, les enquêteurs parviennent à intercepter un appel : c'est un ami de Maëlle qui la contacte. Il fait référence à l'information qui circule depuis quelques jours dans les médias : "le cadavre dans la valise" a été identifié. Maëlle est Sabrina sont placées en garde à vue. La première avoue tout, la seconde nie en bloc.
Pourtant, un mobile se dégage : Farid Ouzzane a bien plus d'argent qu'il ne le dit... au point d'attiser la colère de ses "employées" ? "Quand Sabrina avait compris que tout l'argent versé à Mickaël pour assurer son activité, sa sécurité vis-à-vis de la police, finalement, c'était mensonger - puisqu'elle se rend compte qu'il y a beaucoup d'argent qui arrive sur les comptes de Farid et qu'en réalité, il ne paye pas grand chose à la police - elle ne veut plus payer ou en tout cas plus autant." Les deux se disputent violemment et, selon la version de Maëlle, Sabrina le tue en l'étranglant.
À ce moment-là, il faut se débarrasser du corps... C'est là qu'intervient le père de Maëlle : il possède un bateau dans le port de Lorient et le plan est de le convaincre de faire disparaître le cadavre de Farid Ouzzane. "C'est lui qui va nous expliquer qu'il est appelé par sa fille dans
la nuit du 21 au 22 juin 2011 qui va lui dire 'Papa, on a fait une bêtise,
il faut que tu viennes nous chercher', rapporte le Major La Gautrière. Ils vont se retrouver à la gare
SNCF de Lorient le matin à 6h30 du matin, et sa fille va lui
dire de suite 'On a fait une bêtise, il y a un homme qui est dans la
valise, il était méchant avec nous et il est mort.'" Face à la détresse de sa fille, le père accepte d'aller couler la valise à l'aide de son bateau.
Pour les enquêteurs, la boucle est bouclée. En 2018, Sabrina et Maëlle sont toutes deux condamnées à de la prison ferme - douze ans pour la première, six pour la seconde. Aujourd'hui comme nous le rapporte Le Monde, les deux femmes sont sorties de prison et poursuivent des études de psychologie pour Maëlle, d'esthéticienne pour Sabrina.
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