Il a toute une époque dans le regard, ce temps de l’investigation, cette époque du journalisme à l’ancienne. Du haut de ses 55 ans de carrière, Tony Comiti se dit "boulimique d’information.". Au micro de Flavie Flament dans Jour J , il revient sur sa rencontre avec le "roi de la cocaïne", Pablo Escobar.
En mars 1988, Tony Comiti, accompagné de Jean Bertolino, est en Colombie. La chaîne de télévision TF1 venait de leur donner carte blanche et un an pour "creuser dans les environs." Ensemble, ils ont rencontré le plus célèbre des trafiquants de drogue, Pablo Escobar.
"À l’époque, c’était un scoop mondial et j’avais une seule préoccupation, en tant que caméraman, c’est que le petit voyant rouge soit bien allumé, et vous regardez votre preneur de son qui vous fait toute les 5 secondes un signe pour dire que ça roule", confie-t-il
Intégrer le Cartel de Medellín, le clan Escobar et la famille Ochoa, personne ne l’avait fait. "J’avais des amis journalistes colombiens qui me disaient : 'Fait gaffe, ils ont quand même tué plus de 80 journalistes qui s'étaient trop intéressés à leurs affaires. Ce n’est pas si compliqué de les rencontrer, il suffit que tu ailles à Medellín, à l’Hôtel Intercontinental et tu vas les voir. Souvent ils sont là, les hommes de main, au bar, tu ne peux pas les louper, ils sont armés, ils ont des chapeaux blancs, des ponchos'", raconte-t-il.
"Je suis retourné 6 fois à Medellín et comme dans l’armée, à chaque fois, je voyais un officier et un autre un peu plus supérieur, et c’est comme ça que je suis arrivé au bout du cartel. (…) J’ai reçu un coup de fil disant : ‘Don Pablo est d’accord, le cartel est d’accord pour te recevoir donc vient avec ton équipe et surtout quand tu arrives à l’hôtel, tu ne téléphones pas, tu ne sors pas, tu ne bouges pas. (…) On a embarqué dans leur convoi de 4x4, les mecs armés jusqu’aux dents et ils nous ont présenté Don Fabio Ochoa et on est resté 1 mois et demi avec eux", raconte le journaliste.
À ce moment-là, Pablo Escobar est recherché par le monde entier, il fournissait 80 % de la cocaïne consommé aux États-Unis. "Il y avait plusieurs millions de dollars sur sa tête", ajoute le reporter. Aux côtés de Don Fabio Ochoa, père d'une grande famille du cartel, Tony Comiti fait la rencontre de Pablo Escobar. "On est arrivé dans une sorte d’hacienda dans les montagnes, on sort de la voiture et un des mecs du cartel dit : ‘Surtout, vous ne filmez pas’ et moi il ne faut pas me dire de ne pas filmer, je n'aime pas ça", raconte le journaliste.
"J’avais la caméra sous le bras et je l'ai allumée en scotchant le petit voyant rouge et là incroyable, je rentre, j’arrive au bout de la maison et je vois un petit bonhomme, un peu gros, avec une casquette verte qui se lève et qui vient vers nous, il s’approche de mon oreille et me dit ‘je n’aime pas les caméras'", décrit-il encore dans Jour J.
Face à la caméra, Pablo Escobar sort un discours anti-américain, avant de répondre aux questions de Jean Bertolino, "dans l’interview Pablo Escobar dit : 'J’ai commis deux erreurs, la première erreur, c’est que j’ai laissé entrer la drogue dans les quartiers de Medellín et les mères de famille m’en ont voulu et la seconde erreur, c’est que je me suis attaqué aux institutions politiques", soutient le trafiquant de drogue.
Des types de Naples m’ont montré des photos de mes enfants
Tony Comiti
Avant de rentrer sur Paris, Jean Bertolino et Tony Comiti avaient accepté un deal : leur montrer le film avant sa diffusion. Une fois le montage terminé et le reportage annoncé, les deux reporters n’avaient aucunement l’intention de prévenir et de montrer le documentaire au cartel.
Les menaces ont alors commencé. "Des types de Naples sont montés (à Paris, ndlr) et m’ont montré des photos de mes enfants à la sortie de l’école, et m’ont dit : 'Nous sommes là pour éviter un grand bain de sang' (...) Je suis reparti à Medellín avec la cassette et ça, ça a été chaud", conclut-il.
Jour J, c'est l'émission des grands entretiens d'actualité internationale, culturelle, économique et politique. Chaque jour sur RTL de 20h à 21h et en podcast, Flavie Flament reçoit un acteur de l'actualité et revient avec lui sur une date fondamentale de sa vie.