"On veut que cet engrenage soit compris et soit puni" : l'avocate des parents de Samuel Paty revient sur le procès de cet attentat terroriste

Le 16 octobre 2020, à sa sortie du collège du Bois d'Aulne de Conflans Sainte-Honorine (Yvelines), Samuel Paty, professeur d'histoire-géographie, est sauvagement assassiné par un jeune islamiste d'origine tchétchène, un certain Abdoullakh Anzorov. L'enseignant de 47 ans, qui s'apprêtait à rentrer chez lui, avait, quelques jours avant les faits, montré à ses élèves une caricature de Mahomet, réalisée par le journal satirique Charlie Hebdo lors d'un cours sur la liberté d'expression.

Samuel Paty faisait l'objet d'une vague de haine sur les réseaux sociaux qualifiée de "fatwa numérique", et organisée par Abelhakim Sefrioui, imam islamiste intégriste de 65 ans, et Brahim Chnina. Ce dernier est parent d’une des élèves de l'enseignant. L'adolescente s'était plainte auprès de lui d'avoir été exclue deux jours du collège après le cours en question. L'enquête démontrera qu'il s'agissait d'un mensonge.

Quatre ans après les faits, le procès de sept hommes et une femme impliquées dans l'assassinat de Samuel Paty se tient du 4 novembre au 20 décembre 2024, à la cour d'assises spécialement composée de Paris. "Ce qui était crucial, c'était de répondre à cette demande du décryptage complet des responsabilités, et surtout l'enchaînement qui a amené à cela", confie Me Virginie Le Roy, avocate de la famille de Samuel Paty, dans Les Voix du crime.

Porter cette parole publiquement, de dire (...) : 'on veut que cet engrenage, il soit compris et qu'il soit puni'"

Me Virginie Le Roy

À l'ouverture du procès en novembre 2024, Jean, le père de Samuel Paty ne peut être présent, mais Bernadette et Gaëlle Paty, la mère et l'une des sœurs de la victime, se rendent à l'audience, souhaitant connaître les détails des terribles circonstances qui ont précédé le drame. L'objectif est de "porter cette parole publiquement, de dire (...) : 'on veut que cet engrenage, il soit compris et qu'il soit puni'", estime Me Le Roy.

Peu de temps avant l'audience, Brahim Chnina et Abdelhakim Sefrioui ont annoncé plaider l'acquittement pour leur non-rôle dans l'assassinat. Une décision peu surprenante pour Me Le Roy.

"Ce n'est pas quelque chose qui me choque, parce que c'est la posture qu'ils ont tenue depuis le premier jour (...). Concernant mes clients, c'est plus de se dire qu'on aurait bien aimé un peu d'honnêteté intellectuelle et un peu de considération. Mais ça, on le passe très vite et on rentre dans le combat", se souvient l'avocate de la famille Paty. Ce même combat va durer sept semaines, le temps du procès.

Je ne peux pas imaginer que ce soit une coïncidence.

Me Virginie Le Roy

Lors du procès, les accusés sont appelés chacun leur tour à la barre. C'est notamment le cas pour Abdelhakim Sefrioui, que Me Le Roy interroge sur les similitudes entre la revendication de l'assassin Abdoullakh Anzorov et les propres vidéos de l'accusé, dans lesquelles il insulte et divulgue les informations personnelles de Samuel Paty. L'avocate soulève de potentiels liens entre le terroriste et l'accusé, Brahim Chnina et les six autres accusés dans l'affaire.

"Dans le dossier d'instruction, il y a deux fois où on évoque le président Macron. Pas 36, deux fois. Il y a la revendication d'Anzorov : 'Macron, j'ai exécuté un des chiens de l'enfer'. Et puis il y a la vidéo de Sefrioui qui dit que Samuel Paty, en réalité, a répondu à l'appel du président à haïr, stigmatiser, discriminer les musulmans. Moi, je ne peux pas imaginer que ce soit une coïncidence", ajoute Me Le Roy.

À l'issue de six semaines et demie d'audience, d'interrogatoires, de témoignages et d'expertises, l'avocate plaide et le verdict tombe, le 20 décembre 2024. Des peines d'un an d'emprisonnement à 16 ans de réclusion criminelle sont prononcées pour les huit accusés. Brahim Chnina et Abdelhakim Sefrioui ont eux été condamnés à 13 et 15 ans de réclusion criminelle pour association de malfaiteurs. Une décision de laquelle ils ont décidé de faire appel.

Quelques semaines après la fin du procès, un fort hommage a été rendu au professeur lors d'une cérémonie organisée devant l'ancien collège de Samuel Paty. Le 14 mars 2024, le collège du bois d'Aulne a été rebaptisé en son nom.

 >> Les Voix du crime sont avocats ou avocates, enquêteurs ou enquêtrices, proches de victimes, de suspects ou de coupables. Ces témoins-clefs se confient au micro des journalistes de RTL. Des témoignages inédits, qui apportent un éclairage nouveau sur la justice et les grandes affaires criminelles d’aujourd’hui.


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