Mort de l'abbé Matassoli : en quoi cette affaire de violences sexuelles dans l'Église est-elle "singulière" ?

Le 4 novembre 2019, les enquêteurs font une macabre découverte. L’abbé Roger Matassoli est retrouvé mort à, Ronquerolles, un hameau de la de la commune d'Agnetz (Oise). Le corps allongé sur le dos, les yeux enfoncés dans leurs orbites, et un crucifix est enfoncé dans la gorge.

Le même jour, la gendarmerie de Beaumont-sur-Oise (Val-d'Oise) interpelle une personne au volant du véhicule de la victime, il s’agit d’Alexandre, un jeune homme de 19 ans sans histoire. Le jeune homme appréhendé par les gendarmes est placé en garde à vue pour rébellion et conduite sans permis. Son avocate, Me Caty Richard revient dans Les Voix du Crime sur les spécificités de ce crime.
Stéphane, le père d’Alexandre, se rend sur les lieux et découvre la scène. Le 5 novembre, une autopsie du corps révèle que Matassoli est mort roué de coups et un décès par asphyxie. L’adolescent est hospitalisé sous contrainte dans un établissement psychiatrique spécialisé "en raison de son état de santé psychiatrique". C’est là-bas que Me Richard le rencontre pour la première fois.

Je m'attendais éventuellement à trouver un individu agressif ou dangereux et en réalité je vois un piaf (...). Il était complètement perdu

Maître Caty Richard

Sa mère affirme que le comportement de son fils aurait changé suite à plusieurs visites chez l'abbé Matassoli, qui était un ami de longue date de la famille d'Alexandre. Le jeune garçon qui a sombré dans la schizophrénie exprime une attitude proche de la détresse. Il n’a pas le moindre souvenir des faits, mais reconnaît son crime. 

"Je m'attendais éventuellement à trouver un individu agressif ou dangereux et en réalité je vois un piaf (…). Il était complètement perdu." raconte Me Richard. « Par rapport à certains clients qui sont là, qui veulent tout de suite nous expliquer des choses, (…) il ne me convainc de rien du tout à ce moment-là. Il cherche des repères, il cherche quelque chose."

Le 26 décembre 2019, Alexandre est incarcéré pour "meurtre aggravé avec actes de torture et de barbarie". Comment ce jeune homme inconnu des autorités a-t-il pu commettre un tel acte ? Ses parents révèlent une sombre vérité, le passé de prédateur sexuel du prêtre. L’adolescent est en réalité une des victimes de ses agressions sexuelles à répétition depuis l’âge de 14 ans.

Alexandre reproche à l'abbé son comportement inapproprié. "Je comprends qu'en réalité, ce qu'il reproche à l'abbé Matassoli, c'est notamment de lui demander de faire des travaux nus ou quasi nus, qu'il l'encourage à prendre sa douche et qu'il le regarde prendre sa douche (...). Donc déjà, cette histoire de voyeurisme, ça prend sens avec le fait qu'il lui avait arraché les yeux, enfin, enfoncé les yeux." raconte Me Richard.

Le passé pédocriminel de Matassoli

Entre les années 60 et 80, l’abbé aurait abusé sexuellement de mineurs dans plusieurs communes de l’Oise. L’homme de 91 ans a une emprise sur toutes ses victimes, dont celles d'une même sur une famille, celle d'Alexandre. Son oncle et son père Stéphane avouent également avoir subi les sévices sexuels du prêtre. Ce dernier a même affirmé qu'il a continué à subir à l'âge adulte au sein du presbytère de Saint-André-Farivilliers.

"J'apprends aussi que le grand-père paternel d'Alexandre, duquel il était extrêmement proche, s'est suicidé après avoir appris ce que l'abbé Matassoli avait fait à ses fils. (…) C'est un mode opératoire qui est dicté par autre chose qu'une idée de vengeance ou un mouvement de violence dans le cadre d'une défense par exemple, on est très loin de ça." poursuit Me Richard.

Par ailleurs, le meurtre de l'abbé Matassoli libère la voix de plusieurs de ses victimes. Parmi les autres témoignages, s'inscrit celui de Colette, la sœur de Jacques, qui aurait régulièrement été abusé enfant. Il sera retrouve mort noyé dans la Seine quelques années plus tard à l'âge de 27 ans.

En juillet 2021, la chambre de l’instruction de la cour d’appel d’Amiens clôture l’affaire, près de deux ans après le drame. Alexandre, qui souffre de troubles psychiatriques, est déclaré pénalement irresponsable de ses actes et transféré dans un établissement psychiatrique spécialisé.

>> Les Voix du crime sont avocats ou avocates, enquêteurs ou enquêtrices, proches de victimes, de suspects ou de coupables. Ces témoins-clefs se confient au micro des journalistes de RTL. Des témoignages inédits, qui apportent un éclairage nouveau sur la justice et les grandes affaires criminelles d’aujourd’hui.

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