Meurtre de Caroline Peinado : les questions qui restent en suspens après le suicide du suspect

Lorsqu'elle rencontre la seconde juge d'instruction en charge du dossier du meurtre de sa fille en 2022, Marie-Christine Le Nen arrive dans le bureau de la magistrate avec une liste de 20 questions. Quatre ans auparavant, le 21 août 2018, Caroline a été tuée par son propriétaire à Amblainville dans l'Oise. Arrêté le jour-même, ce dernier est placé en garde à vue puis mis en examen et placé en détention provisoire. C'est en prison qu'il met fin à ses jours peu de temps après, laissant les proches de la victime sans réponses.

"C'est une enclume sur la tête", raconte avec émotion Marie-Christine Le Nen dans Les Voix du crime. La mère endeuillée ne comprend pas comment ce second drame a pu se dérouler, et s'interroge sur le défaut de communication qui semble avoir eu lieu ; les deux magistrates en charge de renseigner le personnel de détention sur le suspect n'ont pas signalé qu'il était suicidaire. L'escorte pénitentiaire dit aussi qu'elle n'était pas au courant. "Pour autant, les quatre gendarmes qui constituaient disent qu'ils l'ont informée, soupier Marie-Christine Le Nen. On ne saura jamais le fin mot de l'histoire..."

Lorsque le corps du suspect est découvert dans la cellule, le personnel essaie de le réanimer... sans succès. "Quand il a été dépendu, les surveillants ont utilisé le défibrillateur et posé les patchs. Par quatre fois, ils ont récupéré un rythme cardiaque. Sauf que comme les patchs n'adhéraient pas bien à la peau, eh bien le défibrillateur n'a jamais donné l'ordre de choqué. Donc cet homme a été déclaré mort à 2 ou 3 heures du matin." Un dysfonctionnement pour lequel l’État a été condamné par la cour d'appel de Versailles, avant de se pourvoir en cassation. Une petite victoire qui n'enlève rien aux autres zones d'ombre du dossier.

C'est déjà douloureux de perdre un enfant dans de telles circonstances, mais de ne pas apporter de réponse aux familles, de ne pas reconnaître les erreurs qui sont faites... C'est pire que tout, c'est un espèce de déni de justice.

Marie-Christine Le Nen

Marie-Christine Le Nen s'interroge aussi sur les faits eux-mêmes. Depuis six ans, elle se bat avec son avocate Juliette Chapelle pour obtenir des réponses. Tout en haut de la liste, figure la question du fusil utilisé par le propriétaire de Caroline. "Cette arme, quand est-ce qu'il se l'est procuré ? Auprès de qui ? Est-ce qu'il avait fait état de ses intentions mortifères?" s'indigne-t-elle. "Avant de tirer sur ma fille, il a quand même pris le temps d'éteindre ses caméras. Il a pris le temps de la cacher, de commencer à nettoyer et d'aller rallumer les caméras. Donc je veux dire, on a ces enregistrements, il y a le timing, s'il n'avait pas l'intention de tirer, pourquoi avoir éteint ces caméras ?"

De même se pose la question d'une éventuelle complicité. "Il y a trois minutes, entre le moment où il éteint la caméra, le moment où il la rallume", ajoute-t-elle. "Il avait 67 ans, il était cardiaque, il était stressé. Comment il a pu faire tout ça ? Moi, ce que je veux, c'est qu'on m'explique, qu'on me démontre que oui, effectivement, c'est possible ! Moi je m'étonne. Il y a des gens dans la ferme qui disent qu'ils ont entendu ma fille crier. Je veux bien qu'elle avait de la voix. Pour autant, ils n'ont pas entendu le coup de feu alors que leur fenêtre était entrouverte. Bon, est-ce que d'autres personnes ont pu l'inciter à commettre ce crime? Est-ce qu'il a pu bénéficier d'aides avant, pendant, après ? Et je crois qu'il faut explorer toutes les pistes. Et ces pistes, elles n'ont pas été explorées."

Marie-Christine Le Nen mène aujourd'hui un combat pour sa fille, mais pas seulement. "Je me dis que je ne suis pas la seule. Ce n'est sans doute pas le seul dossier qui est négligé. C'est déjà douloureux de perdre un enfant dans de telles circonstances, mais de ne pas apporter de réponse aux familles, de ne pas reconnaître les erreurs qui sont faites... C'est pire que tout, c'est un espèce de déni de justice." Un déni de justice qui semble précéder au meurtre de Caroline : selon sa mère, le propriétaire avait déjà eu affaire aux autorités mais avait réussi à passer "douze fois entre les mailles du filet". Les dossiers ont tous été classés sans suite, avant que ce drame n'arrive.

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