INFO RTL - Attentat d'Arras : l'assaillant avait effectué des repérages plusieurs semaines à l'avance

Le travail de fourmi réalisé par les enquêteurs de la SDAT (Sous-direction antiterroriste de la police judiciaire) et de la DGSI depuis l'attentat d'Arras, le 13 octobre dernier, met progressivement à jour les préparatifs qui ont précédé l'attaque au couteau qui a coûté la vie au professeur de français Dominique Bernard, et blessé gravement trois autres personnes. Selon les informations de RTL, confirmées de sources concordantes, les policiers ont établi que l'assaillant Mohammed Mogouchkov avait effectué des repérages, devant le lycée Gambetta, plusieurs semaines avant de passer à l'acte. Un fait qu'il a lui-même reconnu en novembre devant la juge en charge du dossier. 

La géolocalisation du téléphone Mohammed Mogouchkov a été déterminante. L'analyse des données transmises par son opérateur révèle en effet que l'ancien élève de l'établissement s'est rendu à plusieurs reprises dans le secteur du lycée Gambetta d'Arras, dans lequel il n'était plus scolarisé depuis plus d'un an, dans les semaines qui ont précédé l'attaque. Et pas à n'importe quel moment. À chaque fois un vendredi, à chaque fois aux alentours de onze heures du matin, comme le jour de l'attentat, selon une source proche du dossier à RTL. L'analyse téléphonique démontre en outre que le jeune majeur radicalisé est parfois resté sur place pendant des laps de temps importants. 

À l'appui de ces données techniques, plusieurs professeurs, interrogés comme témoins par les enquêteurs, ont indiqué se souvenir d'avoir effectivement vu l'ancien élève de Gambetta devant les grilles du lycée à la même période.      

Finalement interrogé en novembre sur ces éléments par la juge d'instruction antiterroriste en charge des investigations, l'assaillant a reconnu lui-même ces repérages. Dans un extrait de procès-verbal dont RTL a pris connaissance, Mohammed Mogouchkov déclare : "Quelques semaines à l'avance, il y avait l'idée et la planification matérielle, oui". Avant de préciser "mais le passage à l'acte ce vendredi ou le suivant, il n'y avait aucune certitude", continuant ainsi d'entretenir le flou sur le déclic qui l'a conduit à basculer dans la violence le 13 octobre. Rien n'indique par ailleurs, dans les éléments d'enquête dont RTL a pu avoir connaissance, que Dominique Bernard, le professeur de français mortellement poignardé dès le début de l'attaque, ait été ciblé lors de ces actes préparatoires.

Pas de lien direct avec les attaques du Hamas en Israël

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Fait marquant, les repérages remontent à plus d'un mois avant l'attentat, au moins au début de l'été 2023 d'après une source proche de l'enquête. Ce qui vient confirmer l'hypothèse d'une attaque préparée depuis "plusieurs semaines voire plusieurs mois" comme l'indiquait déjà le rapport de synthèse initial des policiers de la SDAT révélé par Le Parisien cet automne. Et sans lien direct donc, avec le massacre perpétré par le Hamas en Israël une semaine plus tôt, le 7 octobre.   

Un autre élément déjà partiellement révélé vient s'ajouter à ces préparatifs. Quelques semaines avant le 13 octobre, Mohammed Mogouchkov se fait montrer par son petit frère âgé de 17 ans le "maniement des couteaux". D'après une source proche de l'enquête, ce jeune frère, qui conteste toute radicalisation, a reconnu en garde à vue être un consommateur compulsif de vidéo ultra-violentes, dont des scènes d'égorgement par des jihadistes. 

Ce "maniement des couteaux" a consisté, concrètement, à mimer devant son aîné les techniques d'égorgements visionnées à maintes reprises sur Internet d'après des sources concordantes. Mis en examen pour complicité d'assassinat terroriste, le mineur affirme n'avoir compris qu'après coup les signes annonciateurs d'un passage à l'acte de son frère. Mais là encore, cette répétition morbide montre que le projet de l'assaillant d'Arras a été longuement mûri.

L'assaillant compte expliquer son geste

Le jihadiste, qui a enregistré un long message audio d'allégeance à l'Etat islamique le matin même de l'attaque, dans lequel il dit toute sa haine de la France et des Français, accusés de l'avoir "poussé vers l'enfer" et "invité à mécroire en Allah", a indiqué lors de sa garde à vue, au milieu de propos décousus et provocateurs, sa volonté de s'expliquer à terme. D'autres déclarations sont donc susceptibles d'éclairer dans les mois qui viennent l'attentat qui a endeuillé une nouvelle fois la France et, au premier plan, la communauté éducative.

Mohammed Mogouchkov est issu d'une famille russe originaire du Caucase, qui compte trois fils et une fille, en France depuis 2008. Fiché S, visé par une OQTF, il était inexpulsable en raison de son âge d'arrivée dans l'hexagone. À ce stade des investigations, sa radicalisation est décrite comme le produit d'une adhésion aux thèses de l'État islamique, couplée à un ressentiment haineux envers la France. Un ressentiment qui a grandi au cours des années, notamment sous l'influence d'un grand-frère radicalisé lui-même incarcéré et condamné pour un projet d'attaque terroriste en 2019, et d'un père expulsé en 2018 pour son extrémisme religieux.

Contactés par RTL l'avocat de Mohammed Mogouchkov, Me Verlaine Etame Sone, celui de son frère mineur, Me Ambroise Vienet-Legué, et Me Richard Malka, l'avocat de la veuve de Dominique Bernard, n'ont pas souhaité commenter ces informations.