L'accident avait coûté la vie à six adolescents le 14 décembre 2017. Un autocar transportant 23 élèves du collège Christian-Bourquin avait percuté un TER à hauteur de Millas (Pyrénées-Orientales) vers 16 heures. Pour la première fois, près d’un an après cette tragédie, plusieurs éléments majeurs passés sous silence seront dévoilés ce mercredi à 21 heures dans le cadre de l'émission "Que s'est-il vraiment passé ?" sur W9.
Après des mois d’enquête, un rapport d’expertise judiciaire mettait en cause directement la conductrice du bus. "L'origine de cet accident provient d’un freinage tardif de la
conductrice de l’autocar", déclaraient les experts dans ce rapport remis
aux deux juges d’instruction, chargées du dossier.
La conductrice, une femme de 48 ans, mise en examen pour "homicides
involontaires et blessures involontaires par imprudence", a toujours
affirmé que les barrières du passage à niveau étaient levées lorsqu'elle a
traversé les voies. Une thèse réfutée par une expertise technique de la SNCF qui "n'identifiait aucun cas de dysfonctionnement". Le feu rouge
marchait, le signal sonore aussi, selon ce document.
Pourtant, toute la vérité ne semble pas avoir émergé de cette enquête.
Première révélation de choc, le conducteur du train n'était pas aux commandes du TER lors de la collision mais il s'agissait... de la stagiaire. Une femme âgée de 35 ans, ancienne contrôleuse en reconversion, qui devait encore obtenir deux modules pour compléter sa formation.
Celle-ci indique dans sa déclaration d'accident de
travail, un document interne de la SNCF que nous avons pu consulter, qu'elle
conduisait le train au moment de l’accident : "Je circule avec le
TER n°877660 à l'approche du PN 25. Arrêt d'urgence, plus collision violente
inévitable malgré l'usage prolongé du sifflet, sentiment d'impuissance.
Nombreuses victimes". Le conducteur, un homme de 54 ans, a confirmé ces
allégations lors de son audition par la gendarmerie expliquant que sa collègue
a provoqué l'arrêt d'urgence avant le choc.
Mais "Que s’est-il vraiment passé" pose une
nouvelle question essentielle dans ce
document que la justice semble avoir
occulté : le conducteur du TER était-il
vraiment dans la cabine auprès de la stagiaire ?
C'était mon baptême
La conductrice-stagiaire du TER
Le témoignage exclusif d'Éric, l’un des passagers, permet sérieusement d’en douter. "Le chauffeur du train est venu de l'arrière et à ce moment-là, la conductrice est sortie de l'avant. Il m'a même demandé si j'allais bien".
Selon ses déclarations, Éric est le premier à échanger avec la stagiaire qui sort paniquée de la cabine. L'employée de la SNCF lui explique qu'elle a percuté un autocar scolaire. "Je lui ai dit que c'était un massacre", se souvient Éric, "Elle n'était pas bien. Et c'est là qu'elle m’a dit : 'C'était mon baptême'".
La stagiaire a-t-elle freiné suffisamment tôt, a-t-elle eu les bons réflexes ? "J'avais le bouton poussoir. C'est moi qui ai actionné ce freinage d'urgence. (…) Mon moniteur s'était positionné dans un sas et il est venu me chercher après l’impact", a-t-elle déclaré à la justice.
De son côté, le chauffeur, interrogé par le juge le 6
février 2018 sur sa réaction lorsqu'il a compris que le choc était inévitable, a répondu : "J'ai cherché à me mettre à l'abri et à mettre à l'abri
ma stagiaire qui, elle, n'avait pas quitté son poste. Quand je l'ai récupérée,
l'impact avait déjà eu lieu".
La réponse se révèle imprécise
d'autant qu'il n'est pas demandé au conducteur où il se trouvait précisément dans le train. Plus tard lors de son audition, le
conducteur explique "qu'avant ou durant le choc", il s'est mis
derrière dans un couloir pour se protéger.
Face à toutes ces versions contradictoires, les familles des victimes demandent à ce que le conducteur et la stagiaire soient à nouveau
entendus pour préciser le rôle de chacun dans ces instants qui ont précédé la
catastrophe. Contactée à deux reprises, la SNCF n'a pas souhaité répondre
à nos questions.