Disparition d'Emanuela Orlandi : que savait le Vatican ?

Jusqu’au mardi 10 janvier 2023, les portes du Vatican ne se sont jamais ouvertes sur cette affaire qui l’empoisonne depuis quarante ans. Ce jour-là, sur demande du pape François, le Saint-Siège lance officiellement une enquête sur la disparition d'Emanuela Orlandi, 15 ans. Cette fille d’un fonctionnaire du Vatican s'est évaporée dans les rues de Rome le 22 juin 1983, alors qu'elle rentrait de l'école Tommaso Ludovico da Victoria, rattachée à l'Institut Pontifical de Musique Sacrée. 

Pendant 40 ans, les pistes et les faux espoirs se succèdent. Le Vatican est même pointé du doigt dans cette affaire. Et cela, déjà à l'époque de la disparition de la jeune fille. 

Quelques jours après l'événement, le pape Jean-Paul II avait provoqué la surprise des fidèles massés sur la place Saint-Pierre pour la prière de l'Angélus. Il avait lancé un appel, à "ceux qui sont responsables de la disparition". La thèse d'un enlèvement et d'une séquestration n'avait pourtant jamais été évoquée publiquement. De quoi troubler la famille Orlandi : pourquoi cet appel aux ravisseurs ? Le Vatican serait-il au courant de ce qu'il s'est passé ?

"Emanuela est au Ciel"

Depuis, Pietro Olandi, le frère aîné d'Emanuela, a toujours subodoré que la disparition de sa sœur était le fruit d'une sombre affaire d'intérêts mêlant le crime organisé, l'Église et la politique. Selon lui, cette jeune citoyenne du Vatican aurait servi de monnaie d'échange et d'objet de chantage. 

D'ailleurs, il se souvient avoir été troublé en mars 2013 après avoir assisté à une messe du pape François dans une petite église romaine. À la sortie, le souverain pontife lui aurait répété à deux reprises : "Emanuela est au Ciel", laissant ainsi entendre qu'elle était morte, montée au paradis. 

"C'est effectivement ce qu'a déclaré le pape François, deux ou trois semaines après avoir été élu. Ces paroles laissent alors penser qu'il sait ce qui est arrivé à Emanuela, explique Laura Sgro, avocate de la famille d’Emanuela Orlandi. Ce qui est grave, c'est que malgré les années écoulées, le pape n'a jamais voulu recevoir la famille Orlandi qui, depuis 10 ans, lui demande une audience." 

Pas de témoignage direct

Maitre Laura Sgro, avocate des Orlandi, regrette l'omerta qui règne sur le dossier : "Il est temps maintenant de donner des réponses à cette famille. Des personnes savent et se taisent parce qu'elles ont peur". "Tant que je ne trouverai pas Emanuela, mon devoir sera de chercher la vérité", assure de son côté Pietro Orlandi.

"Le Vatican a une culture du silence quasiment par définition. Et cette demande est un peu veine parce que, 40 ans après, tous les prélats qui pourraient être impliqués, sont fatalement, pour beaucoup, morts, rappelle Jérôme Gautheret, rédacteur en chef au Monde et ancien correspondant à Rome au Monde. Mais à chaque fois, on fait parler les morts dans cette histoire. Les témoignages directs sont très rares."

Les invités de "L'Heure du crime"

- Nicolas Senèze, journaliste, ancien correspondant au Vatican pour le journal La Croix.  
- Jérôme Gautheret, rédacteur en chef au Monde et ancien correspondant à Rome au Monde (de 2006 à 2012). 
- Laura Sgro, avocate de la famille d’Emanuela Orlandi. 

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