Le premier a quarante-cinq ans de défense
pénale au compteur sans une ombre au tableau, le deuxième est intervenu dans
des dizaines de dossiers terroristes depuis 2015 et a défendu un des accusés des
attentats 13 novembre. Ces deux pointures du barreau sont pourtant jugés à partir
d’aujourd’hui à Paris et jusqu’au 7 février pour avoir manqué d’indépendance face à leur client, un trafiquant de drogues international jugé à leurs côtés,
ce qu’ils entendent contester avec force. Ils sont renvoyés pour "tentative d’escroquerie au jugement et
violation du secret professionnel."
À l’origine
de ce dossier, symbole de la crispation des relations entre magistrats et
avocats, une saisie record de plus d’une tonne de cocaïne à Roissy en 2013, estimée à
plus de 50 millions d’euros. Cinq ans plus tard, en décembre 2018, s’ouvre aux
assises le procès de Robert Dawes, narcotrafiquant britannique accusé d’être
aux commandes de la livraison. Quelques jours avant le procès, ses trois avocats,
Joseph Cohen-Sabban, Xavier Nogueras et Hugues Vigier, font parvenir à Cour des
pièces judiciaires issues d’une procédure espagnole, transmises par le bras
droit de Dawes, et qui visent à établir le caractère illégal d’une écoute du
trafiquant présumé. L’écoute est centrale pour l’accusation puisque Robert Dawes
y reconnait être propriétaire de la tonne de cocaïne.
Le problème survient
dans la foulée. Les documents produits se révèlent être des faux. Ce qui vaut
aujourd’hui aux deux avocats d’être poursuivis par le parquet. Le troisième
avocat, Hugues Vigier, réussi pour sa part à tirer son épingle du jeu. Les deux pénalistes protestent de
leur bonne foi. L’ordonnance de renvoi des juges fait apparaître leur embarras dans
des messages échangés en 2018 alors qu’ils s’interrogent sur l’origine des
pièces envoyées par l’entourage de leur client. "On n'arrivera à rien si on ne justifie pas nos sources", s’inquiète
Xavier Nogueras. Joseph Cohen-Saban se montre également inquiet : "Ce mec a choisi une stratégie de défense qui
va lui péter à la gueule", écrit-il.
Les juges d’instruction sont restés
inflexibles, quand bien même leur enquête a conclu que les deux avocats ne savaient
pas que les documents étaient faux : "Aucun
élément ne permet d’établir avec certitude que les avocats savaient que les documents
présentés devant la cour d’assises étaient des faux", écrivent-ils. "Cependant, les avocats ne pouvaient que s’interroger
quant à leur authenticité". L’ordonnance souligne les obligations de "diligence
et de loyauté" auxquelles sont soumis les "auxiliaires de justice"
que sont les avocats. Les juges vont plus loin et affirment que la volonté de manipulation
de la justice par l’équipe de Robert Dawes était soit connue, soit aurait dû l’être
étant donné la stature criminelle du principal accusé.
"Ce procès est le reflet de
l'incompréhension et de la crispation actuelle de certains face au rôle
pourtant essentiel de l'avocat dans le procès pénal", ont déclaré à l'AFP
les conseils de Joseph Coehn-Sabban, Mes Steeve Ruben, Christian Saint-Palais et Eric
Najsztat. L'avocat, "qui a consacré sa vie à la défense pénale, aborde ce
procès avec détermination" ajoutent-ils. "En aucun cas Xavier
Nogueras n'a participé aux faits de complicité de tentative d'escroquerie au
jugement et il n'a violé aucune règle déontologique" ,avaient déclaré en
février 2022 Ses défenseurs Mathieu Chirez et Hervé Témime.
Hors-micro Joseph Cohen-Sabban reconnaît avoir "baissé la garde" mais fait part de son amertume profonde
de se retrouver ainsi accusé d’avoir pactisé avec des voyous alors qu’il s’apprêtait
à se retirer après une brillante carrière d’avocat pénaliste. Il se dit prêt à
se battre jusqu’au bout pour être blanchi.
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