Son nom est devenu symbolique dans les esprits, tant ses "faits d'armes" ont été relatés par la presse et le cinéma. Jacques Mesrine a pourtant été abattu il y a 42 ans, mais toute sa vie, il a pris soin d'entretenir le mythe populaire et nourrir les Une des rubriques "faits divers".
Dès les années 60, le fils de marchands de tissus a compris qu'il pouvait modifier son apparence pour se jouer des autorités. Dans un enchainement de "coups" toujours plus violents et spectaculaires, il s'enfuit chaque fois que les soupçons tendent en sa direction.
En 1965, Mesrine est arrêté alors qu'il dérobe des documents politiques à Palma de Majorque. À peine sorti de prison, il braque une banque Suisse puis commet 2 autres vols à main armée à Paris et Chamonix. On le reconnait. Sentant que l'étau se resserre, il prend la fuite au Québec avec sa compagne, Jeanne Schneider.
Ce 7 mars 1969, le couple de Français fraichement débarqué au Canada franchit le seuil d'une grande et luxueuse demeure de Saint-Hilaire, un faubourg de Montréal. Ils viennent d'être embauchés comme chauffeur et gouvernante par le millionnaire Georges Deslauriers. Ce dernier ignore tout du passé de ses nouveaux employés.
Mesrine veut se faire oublier. Pourtant très vite, son tempérament colérique et irascible le mène à une dispute avec un employé. Pour montrer qui il est, il enlève et séquestre son patron millionnaire pour obtenir une rançon. L'opération capote, l'otage réussit à s'enfuir. Mesrine et Schneider reprennent la route.
23 juin 1969, ils séjournent au Motel Les Trois Sœurs, sur la commune de Percé. Etrangement, une semaine plus tard, la police découvre ici le corps d'Evelyne Bouthillier, 58 ans. La propriétaire du motel git dans le salon, un tablier autour du cou, le corps recouvert d'une couverture. La police conclut à un cambriolage qui aurait mal tourné.
Le couple de Français soupçonné est arrêté de l'autre côté de la frontière, dans l'Arkansas, et remis au Canada. Mesrine débarque tout sourire à l'aéroport, se laisse photographier. La presse Québécoise retrace son parcours criminel et va être la première à le qualifier d'ennemi public numéro un.
Deux mois plus tard, Mesrine et Schneider écopent respectivement de dix et cinq ans de prison pour l'enlèvement de Georges Deslauriers. En revanche, ils sont acquittés - malgré de lourds soupçons - pour le meurtre de la patronne du motel. "Nous étions accusés d'un meurtre que JE n'avais pas commis", écrira plus tard Mesrine, laissant planer le doute sur l'implication de sa compagne.
Jacques Mesrine a juré qu'il ne croupirait pas dix ans dans la prison de haute sécurité de Saint-Vincent-de-Paul. Etablissement moderne qui compte plus de gardiens que de détenus. Et pourtant, un jour d'août 1972, le Français se fait la belle avec cinq autres détenus dont le dénommé Jean-Paul Mercier qui deviendra l'un de ses complices. Et promet aux autres de revenir les libérer.
Le 10 septembre, des détonations attirent l'attention de deux gardes forestiers qui patrouillent sur un chemin de terre, près de Saint-Louis de Blanford. Les braqueurs, qui s'entraînaient au tir, ont-ils été surpris par l'irruption soudaine de ces deux hommes en uniforme ?
Le fait est que Médéric Côté, 62 ans, et Ernest Saint-Pierre, sont froidement abattus. Jacques Mesrine prend la police canadienne de vitesse et rejoint la France en quarante-huit heures. Et dans les sept années qui viennent, il va entrer définitivement dans l'histoire du crime.
- Georges Moréas, ancien policier, auteur
du livre Mesrine, l’instant de mort aux éditions Signe.
- Stéphane Berthomet, ancien policier et producteur du podcast Mesrine l'orgueil et le sang une coproduction France Culture et Radio Canada.