Affaire Léa Demagny : comment est-ce que mari et femme s'allient pour tuer la nouvelle compagne ?

Mardi 14 septembre 2021, 22h30, la gendarmerie est appelée pour un accident de la route, sur la départementale 916 à Bouquemaison, à une quarantaine de kilomètres d'Arras. Une femme a été fauchée par une voiture alors qu'elle marchait sur le bas-côté, accompagnée d'un homme. Pas de brouillard sur cette longue ligne droite, mais la nuit est épaisse et la chaussée détrempée.

Le chauffard s'est enfui après la collision. Les gendarmes et les pompiers ne peuvent plus rien faire pour la malheureuse. Léa Demagny, 23 ans, était aide-soignante. Son compagnon, Bernard Moulinier, 30 ans, est sous le choc. Ils marchaient à la suite d'une panne de voiture, tous les deux, sur le bord de la route. 

Jeudi 16 septembre, au surlendemain de l'accident, Bernard Moulinier déboule sans prévenir à la gendarmerie de Frévent. Il a été alerté par son fils de neuf ans des dégâts sur la voiture de sa mère, Laura Doualle, l'épouse de Bernard, dont il est séparé depuis deux ans. 

Un crime passionnel ?

Détail sordide: il a remarqué un bout de chair dans le phare cassé. Elle lui a confié que c’était elle qui avait causé l'accident. Elle l’a fait exprès car elle n'a jamais accepté leur séparation. Interpellée, elle reconnait les faits. Le crime serait donc passionnel. 

Mais tout ne se passe pas comme prévu. Plus tard, elle déclare n'avoir pas dit toute la vérité. Elle a "menti pour couvrir son mari", Bernard Moulinier. En fait, ils ont élaboré le scénario de l'accident fatal de Léa tous les deux. 

L'indécision au cœur du meurtre

Bernard était heureux avec Léa, la première année mais ensuite tout s'est dégradé. Il s'est senti piégé entre deux femmes qu'il ne voulait pas perdre. Il oscille alors entre l'envie de reprendre sa vie avec son épouse qu'il avait délaissée et le désir de poursuivre son existence avec l'aide-soignante.

C’est bien Bernard qui a suggéré la fausse panne à l'entrée de Bouquemaison. L’épouse devait prendre la route à 22h00. Il était prévu que Léa marche sur le bas-côté, Bernard porterait son gilet phosphorescent.

"On a en quelque sorte un pacte tragique conduisant à l'assassinat de la victime et dont madame Doualle porte le coup fatal à Léa, sur un plan orchestré par Monsieur Moulinier, observe Franck Bosetti, psychologue au micro de L'Heure du crime. Ce qui apparait ici très important c'est que cette implication dans cet assassinat de madame est en fait nécessaire à monsieur Moulinier pour se savoir sans le moindre doute aimer d'une femme." 

Un adultère à l'envers

L'affaire criminelle interpelle. D'ordinaire, c'est un amant ou maîtresse qui s'allie pour tuer un conjoint, là c'est un couple marié qui se retrouve pour commettre l'irréparable. "C'est un adultère à l'envers, il trompe sa maîtresse avec sa femme", explique Tony Poulain, journaliste au Courrier Picard pour RTL.

Au début, elle a refusé quand le mari a envisagé un meurtre. Puis elle s'est laissée convaincre. Ensuite, elle lui adressait sans arrêt des messages pour savoir quand il prévoyait de passer à l’acte. Tony Poulain résume : "Ce sont deux personnes ordinaires qui vont commettre un crime extraordinaire." 

Un complot qui finit par un divorce

Le lendemain, Bernard Moulinier se présente de lui-même à la gendarmerie. Il vient s’accuser de la mort de sa compagne Léa Demagny. Il explique vouloir éviter à son épouse d’aller en prison. 

Maître Stéphane Daquo est surpris du soulagement de son client. "C'est la première fois que je voyais ça, j'avais un client qui me disait en détention : "Je suis libéré. Je n'ai plus cette espèce d'angoisse de savoir vais-je fâcher Léa ou fâcher mon épouse? Je ne supportais plus la situation, ça en devenait angoissant et je n'arrivais plus à vivre correctement." 

Vendredi 29 mars 2024, après deux jours de procès et quatre heures de délibéré, Bernard Moulinier est condamné à trente ans de prison. Son épouse Laura Doualle écope de vingt-cinq ans. Les jurés ont eu du mal à départager les responsabilités de l'un et de l'autre, tous deux unis dans ce même projet criminel. 

Tony Poulain conclut : " La terrible ironie de l'histoire c'est qu'ils ont fini par divorcer. Tout ça pour ça..." 

Les invités de "L'Heure du crime"

- Maître Stéphane Daquo, avocat au barreau d’Amiens et l’avocat de Bernard Moulinier.
 
- Tony Poulain, journaliste police-justice au Courrier Picard. 
 
- Franck Bosetti, psychologue et expert judiciaire près de la Cour d’Appel d’Amiens. 

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