Affaire Katell Berrehouc : 30 ans après, toute la lumière a-t-elle été faite ?

Tout commence un jeudi de mai 1995. Yann Berrehouc, 14 ans, rentre chez lui, à Auvers-sur-Oise dans le Val-d'Oise. Le pavillon est silencieux. Katell, sa grande sœur, ne répond pas à ses appels. Intrigué, il monte à l’étage et aperçoit sa jambe dans la chambre parentale. Il croit d’abord qu’elle dort, avant de comprendre l’horreur : Katell gît sans vie sur le lit, le bas du corps dénudé, étranglée avec son propre legging.

L’hypothèse du suicide, d’abord envisagée en raison d’un passé marqué par des troubles alimentaires et le décès d’un petit ami, est rapidement écartée par les enquêteurs. Katell était pudique, discrète, et jamais, elle n’aurait choisi de mourir ainsi, dans la chambre de ses parents. 

La police privilégie la piste criminelle, sans trouver de signe d'effraction. Des traces d'ADN sont découvertes sous les ongles de la victime, dont l'un est cassé. 

Une enquête en impasse

Malgré les efforts, l’enquête piétine. Des suspects sont entendus et des prélèvements sont réalisés sur des centaines d’hommes dans la commune mais aucun ne correspond à l’ADN retrouvé. En 2005, un non-lieu est prononcé. Le dossier semble destiné à sombrer dans l’oubli, parmi les cold cases français.

Mais en 2017, une greffière qui n’avait pas oublié Katell propose de réexaminer le dossier, juste avant la destruction des scellés. L’ADN est envoyé à nouveau pour expertise. En mai 2018, coup de théâtre : un nom émerge du FNAEG, Fichier National Automatisé des Empreintes Génétiques, celui de Cyril El Baz.

Un suspect au passé troublant

En 1995, Cyril El Baz avait 23 ans. Démarcheur de lithographies, il arpentait les rues du Val-d’Oise. En 1994, il a été condamné à cinq ans de prison pour vol avec violence et attentat à la pudeur, après avoir agressé une femme dans un parking. Sa dernière condamnation remonte à 2011, où il a écopé de huit mois de prison, dont cinq avec sursis, pour violence et agression sexuelle sur sa compagne.

À la justice, il explique ne pas connaître Katell Berrehouc, tout en admettant qu’il pourrait avoir croisé sa route dans le cadre de son activité commerciale. Il ne comprend pas la présence de son ADN sous les ongles de la victime et sur le legging qui l’a étranglée.

Face au juge, ses explications sont floues et changeantes. Il évoque un geste commercial mal interprété, une dispute, voire une bagarre qu’il aurait tenté de séparer.

Un verdict et des larmes

Le procès s’ouvre en mai 2025. Cyril El Baz comparaît libre, ayant bénéficié d'une remise en liberté sous contrôle judiciaire en 2019, sans que la famille en soit informée. L’accusé pleure et nie tout en bloc. Son avocat, Me Sylvain Cormier, parle d’un procès basé uniquement sur l’ADN, d’un scénario construit autour de suppositions. 

"Et si le vrai enjeu du procès, c'était de savoir si l'on peut condamner quelqu'un sans aveux, sans témoignages, sans certitudes absolues. Alors, on a la certitude que l'ADN de Cyril est localisé sur plusieurs vêtements de Katell Berrehouc, on l'a aussi. Maintenant, reste à savoir si la présence de cet ADN suffira à convaincre les jurés de la culpabilité du mis en examen", explique Benoît De Maillard, ancien technicien de police scientifique. 

30 ans après les faits, le lundi 19 mai 2025, le verdict est rendu : Cyril El Baz est condamné à 25 ans de prison pour le viol et le meurtre de Katell Berrehouc. Effondré dans le box des accusés, il clame : "C'est injuste, je n'ai rien fait et vous me condamnez. Je ne comprends pas votre décision." Il a annoncé son intention de faire appel.

Les invités de L'heure du crime

- Marion Garnier, journaliste, réalisatrice et rédactrice en chef. Elle est l’auteure avec Cyrielle Adam du livre Cold cases, publié aux éditions Larousse.
- Benoît De Maillard, ancien technicien de police scientifique et président de l’association Avane : Association d’Aide aux Victimes des Affaires Non Elucidées qui recense les affaires non élucidées et aide les familles de victime. 

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