C'est une journée de printemps, en mars 1999. Un cantonnier des Alpes-Maritimes est en pleine tournée, sur le chemin départemental 117. Au détour d'une petite route déserte dans l'arrière-pays niçois, l'agent stoppe son camion pour dégager quelques pierres. Aussitôt, il sent une odeur de charogne, enjambe le parapet et aperçoit trois ou quatre sacs poubelles. Sous ses yeux : une jambe et un bras humains.
L'affaire ne fait que commencer. Une heure plus tard, les experts de la gendarmerie sont à pied d'œuvre dans le ravin. Invité de L'heure du crime, le Général Jacques Fombonne, adjoint chargé de l'enquête, se souvient n'avoir "vu cela qu'une fois" dans sa carrière. Six jambes appartenant à trois individus sont retrouvées. Les têtes et les mains sont absentes, les sexes ont été coupés et les viscères des trois victimes sont retrouvés mélangés dans l'un des sacs. Après plusieurs jours d'autopsie, les légistes confirment que les victimes sont deux hommes et une femme. Les décès sont survenus trois semaines auparavant.
Alors que la nouvelle se répand comme une traînée de poudre, une femme appelle les enquêteurs, expliquant ne plus avoir de nouvelles de son frère depuis trois semaines. Jean-Pierre Calligaris, 41 ans, est connu de la justice pour des histoires de stupéfiants. L'ADN met fin au suspense : l'un des cadavres est bien le sien.
Les enquêteurs tirent alors ce fil précieux et apprennent que la victime était le garde du corps d’un trafiquant de drogue important et riche : François Benmokhtar, 58 ans, en ménage avec une Italienne, Teresa Conte, 52 ans. Et l'on découvre alors que les deux concubins sont bien les deux autres victimes. Rapidement, les enquêteurs remontent la piste de François Benmokhtar. Un de ses bras droit leur apprend qu'il devait dîner, avec sa femme et son garde du corps, chez un vieil ami : Michel Pinneteau, fromager à Antibes, la veille de leur disparition.
Michel Pinneteau, 61 ans, n'a pas vraiment l'allure d'un serial killer et encore moins d'un dépeceur expérimenté. "Il ne ressemble à rien, il a un tout petit gabarit et a l'étiquette d'un vendeur de fromages. Pas celle du criminel", raconte le Général Jacques Fombonne. Mais, Me Julien Pinelli, avocat de la famille de Jean-Pierre Calligaris, invité de L'heure du crime, fait cependant état "d'une disparité entre le train de vie qu'il expose et les revenus qu'il tire de ce commerce".
Six mois après la découverte des corps, le fromager et son épouse, Joëlle, 43 ans, sont placés en garde à vue. Entendu tout d'abord comme témoin, le fromager d'Antibes avait déclaré qu'il n'avait jamais reçu à dîner chez lui François Benmokhtar et qu'il ne le connaît même pas. Les enquêteurs découvrent qu'il a menti.
En garde à vue, son épouse, Joëlle, finit par craquer. Elle reconnaît le dîner avec les deux hommes et la femme et ne sait pas ce qu'ils sont devenus. Son mari les aurait raccompagnés et serait rentré à 5h du matin. Il lui dit alors avoir eu "une emboucane" avec les invités. Au moment de la sortie de l'affaire dans la presse, Michel Pinneteau lui aurait fait jurer de ne pas dire que ces trois personnes avaient mangé chez eux.
Devant le juge, le fromager confesse finalement avoir dîné avec les victimes et explique être tombé sur deux hommes masqués en les raccompagnant. Il aurait été forcé de découper les corps et de s'en débarrasser dans les collines. Des aveux sur lesquels il reviendra plus tard.
Le juge et les enquêteurs sont convaincus que Pinneteau est l'auteur des crimes. Le mobile est évident : l'argent. Après les disparitions, le fromager a fait refaire toute sa cuisine avec une facture de 40.000 euros réglée en liquide et il a déposé environ 500.000 euros en cash dans différentes agences bancaires. Mais il ne va dès lors jamais cesser de varier dans ses explications, se plaçant ensuite en simple témoin du meurtre qui n'a rien pu faire.
En 2004, il est condamné à trente ans de prison pour avoir exécuté, dépecé et disséminé les corps de trois personnes. Deux ans plus tard, il comparaît en appel. Personne ne donne cher de la peau de cet accusé que tout accuse. Mais l'un de ses avocats, Me Eric Dupont-Moretti, est bien décidé à s'engouffrer dans les failles des investigations et dénonce une enquête "scandaleusement lacunaire".
À la surprise générale, Michel Pinneteau est acquitté, le 29 mai 2006. "On est surpris, avec le même dossier et le même accusé, les décisions sont diamétralement opposées. C'est le talent de Dupont Moretti qui a utilisé les contradictions des versions de son client pour le faire passer pour un homme menacé qui ment mal, mais pas un criminel", commente le Général Jacques Fombonne.
Le fromager d'Antibes est toutefois condamné à cinq ans de prison pour avoir détourné et conservé l'argent de François Benmokhtar, soit plus de 500.000 euros. Déjà en détention depuis huit ans, Pinneteau est libre. Les meurtres des morts sans tête de l'Estéron sont aujourd'hui judiciairement non résolus. Aucune enquête sur ces morts épouvantables n'a jamais été rouverte.
- Le Général Jacques Fombonne, adjoint chargé de l'enquête au moment des faits.
- Me Julien Pinelli avocat de la famille de la victime Jean-Pierre Calligaris.
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