Affaire Ismaël Abdelkader : "Dès le début, j'ai senti qu'il y avait anguille sous roche", raconte sa sœur Myriam

En juillet 2012, Myriam Abdelkader découvre en lisant l'actualité, que les gendarmes d'Altkirch (Haut-Rhin) ont découvert un corps enfoui dans le jardin d'une propriété privée de Pfetterhouse, un petit village à proximité. Sa présence remonterait à, au moins, six ans... C'est tout juste le temps qu'elle a passé à attendre le retour d'Ismaël, son grand frère, disparu le 6 mai 2006.

Ce jour-là, le jeune homme de 24 ans devait passer la soirée dans les environs de Strasbourg et rentrer le dimanche en début d'après-midi. Il n'est jamais revenu. "Ma maman s'est rendue à la gendarmerie pour signaler que son fils n'était pas rentré, se rappelle Myriam Abdelkader dans Les Voix du crime. On lui a dit qu'il était majeur et vacciné et qu'il allait sans doute nous donner des nouvelles plus tard, donc la plainte n'avait pas été prise en compte."

Face à la réticence des autorités, Myriam décide d'enquêter seule. "J'ai fait tous les aéroports, j'ai fait le Rhin, j'ai fait le Rhône, j'ai fait la Seine, j'ai demandé des fouilles, j'ai fait les hôpitaux, j'ai fait tout ce qui est psychiatrie, j'ai cherché dans la rue, la nuit, énumère-t-elle. J'ai essayé de le chercher partout, partout." La jeune femme n'a aucune piste...  jusqu'à cet été 2012.

Dès le début j'ai senti qu'il y avait anguille sous roche

Myriam Abdelkader

Aussitôt après avoir lu l'article en ligne sur ce corps retrouvé à Altkirch, elle appelle la gendarmerie. Un des militaires répond à sa question : le corps découvert appartient-il à Ismaël Abdelkader ? "Il m'a dit 'mettez-vous assise, est-ce que vos parents sont à côté de vous ?', se remémore-t-elle. J'ai dit que oui, j'étais seule. Il m'a dit 'Effectivement, on a trouvé une carte vitale au nom de M. Abdelkader Ismaël'".

Myriam espère qu'il s'agit d'une carte vitale volée, qu'il y a erreur sur la personne. Pourtant, lorsqu'elle se rend à Altkirch le lundi qui suit, elle doit se rendre à l'évidence : c'est bien le corps d'Ismaël qui a été retrouvé, les photos du squelette sont formelles. "J'ai reconnu la dentition de mon frère, vu qu'on a exactement la même dentition", explique-t-elle.

S'il s'agit bien de son frère, pourquoi les enquêteurs ne l'ont-ils pas immédiatement contactée ? Ismaël est inscrit sur le fichier des personnes disparues, pourquoi ne pas avoir fait le rapprochement ? "Dès le début, j'ai senti qu'il y avait anguille sous roche", estime Myriam Abdelkader. Douze ans après, elle n'a toujours pas eu de réponses à ces questions.

On ne cache pas un corps si on n'a rien à se reprocher !

Myriam Abdelkader

Le jour de la reconnaissance du corps de son frère, Myriam apprend que des gardes à vue ont eu lieu, mais qu'elles n'ont rien donné de probant. Trois personnes sont ressorties sous le statut de témoin assisté pour "recel de cadavre", mais pas de mise en examen ni de soupçons de meurtre. "On sent que c'est un dossier qui dérange et moins, on en fait et mieux ça sera", réagit-elle aujourd'hui.

À cette époque, le principal mis en cause est le petit-fils du propriétaire de la maison, un ancien gendarme. Il reconnaît avoir enterré Ismaël, décédé d'une overdose. "On ne cache pas un corps si on n'a rien à se reprocher !" répond Myriam. Un enquêteur insiste auprès d'elle : "Il m'a dit (...) que les jeunes qui avaient fait ça étaient des enfants de bonne famille, qu'ils travaillaient tous en Suisse, soupire-t-elle. Il me les a fait passer pour des gens extraordinaires, formidables." 

En 2018, le principal mis en cause, a mis fin à ses jours. Trois ans auparavant, l'enquête avait été close pour cause de prescription. Lui et les autres mis en cause restent présumés innocents. Myriam, elle, se bat encore. Une bataille qui vaut la peine d'être menée : en 2023, elle a obtenu la réouverture d'une enquête et de nouvelles analyses sur les scellés.

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