Le 4 août 1997, Philippe Jambert rend visite à son père Christian à Auxerre. À 56 ans, le gendarme traverse une mauvaise passe. Philippe trouve la porte de la maison ouverte. Une lettre d'adieu à l'encre rouge est posée sur une table. Le corps du père est découvert au sous-sol, une balle de 22 long rifle dans la tête et la carabine au sol.
Christian Jambert devait être entendu par un juge deux jours plus tard et était impatient de ce rendez-vous. Il enquêtait sur les disparitions de six jeunes femmes.
Depuis 1984, le gendarme adjudant à la brigade de recherches d'Auxerre, enquêtait sur plusieurs disparitions de jeunes femmes dans l'Yonne, jusque-là négligées par la justice. Considérées comme des fugueuses, les vérifications étaient restées superficielles. Les disparues, âgées de 16 à 29 ans, étaient toutes issues de l'assistance publique, souvent sous tutelle et isolées.
Jambert avait remarqué la présence récurrente d'Émile Louis, chauffeur de car, qui connaissait et transportait ces filles et en hébergeait certaines. Un témoin rapporte que l'homme se vantait de "transporter des cadavres dans sa voiture".
Le gendarme était très impliqué dans l'enquête. "C'est une personnalité qui est passée par la DDASS et qui avait donc une motivation particulière, personnelle pour s'engager à fond dans le fait de rechercher la vérité", souligne Jean-Pierre Getti, président de la cour d’Assises, lors du procès d’Émile Louis au micro de L'Heure du crime pour RTL.
Après avoir soumis son rapport, Christian Jambert espérait que le juge Bourguignon ouvrirait une enquête sur Émile Louis. Mais le procès-verbal aura mystérieusement disparu au tribunal. Le document ne sera retrouvé que des années plus tard, annoté d'un mystérieux « Non », suggérant de ne pas poursuivre.
Vingt ans après les premières disparitions, la cour d'appel ordonne enfin l'ouverture d'une enquête. Christian Jambert allait être entendu, mais il est retrouvé mort deux jours avant de témoigner.
Philippe et Isabelle, les enfants de Christian Jambert, s'interrogent sur plusieurs détails remettant en cause le suicide. D'abord, leur père n'aurait jamais manqué son rendez-vous avec le juge. Ensuite, le stylo rouge de la lettre d'adieu est introuvable. De plus, il venait de postuler pour un poste d'enquêteur privé. Et il y avait surtout la disparition de la sacoche jaune du gendarme, qu'il avait toujours avec lui. Elle contenait des notes sur l'affaire des disparues de l'Yonne. Des carnets et cahiers sont également absents.
Mardi 5 novembre 2002, le procureur d'Auxerre, qui avait d’abord classé la mort de Christian Jambert en suicide, ouvre une information judiciaire pour "recherche des causes de la mort". En 2004, le corps est exhumé. Le docteur Dominique Lecomte, détecte l'existence de deux orifices au niveau de la tête. Jambert se serait donc suicidé de deux balles, une dans la bouche et l'autre dans la tempe. Le rapport de la légiste estime que la thèse du suicide est "peu compatible" avec ces constatations. Mais en 2011, le parquet d'Auxerre indique qu'un non-lieu est délivré dans le dossier de la mort de l'adjudant. L'hypothèse du suicide est retenue.
Le gendarme Jambert sera mort avant d'avoir pu assister à l'arrestation de l’homme qu'il avait désigné comme le suspect numéro un des disparues de l'Yonne : Émile Louis. Le 12 décembre 2000, le conducteur de bus, 66 ans, est placé en garde à vue pour sept disparitions des jeunes femmes repéré par Jambert. Il sera jugé trois ans plus tard et condamné à perpétuité.
"Les auteurs de ce suicide ont parfaitement réussi leurs coups puisque l'on ne le saura jamais. Ce qui me frappe, c'est qu'au vu de toutes les questions que l'on se pose depuis toujours, c'est comment se fait-il que les juges puissent s'en satisfaire ?", se demande Jean-Marie Rouart, académicien et auteur de l’ouvrage Drôle de justice au micro de RTL.
- Jean-Pierre Getti, ancien magistrat et président de la cour d’Assises lors du procès d’Emile Louis. Il est l'auteur de l’ouvrage : Juger à hauteur d’homme publié aux éditions Michalon.
- Jean-Marie Rouart, romancier et membre de l’Académie française et auteur de l’ouvrage : Drôle de justice publié aux éditions Albin-Michel.
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