Meurtre de Sandra Gaudet : la police a-t-elle caché la vérité ?

Lundi 12 mars 1990, un sergent inspecte les bords d'une route au Québec. Il cherche la trace de Sandra Gaudet, une jeune fille de 14 ans qui a disparu 36 heures plus tôt. Le policier aperçoit soudain une jambe qui émerge de la neige. C'est bien le corps de l'adolescente qui a été enseveli à la va-vite. Le soutien-gorge a été arraché et déchiré. L’agression sexuelle et même le viol ne font guère de doute.

Les appels aux témoignages sont ouverts. Certains ont vu une voiture blanche ou encore marron ou bleue stationnée dans la nuit du vendredi au samedi en bord de route. Mais un seul témoignage est retenu.

Un camionneur et son fils de 14 ans ont vu samedi matin un véhicule rouge garé sur le bas-côté, là où été retrouvé le cadavre. Le père déclare qu’il connait quelqu'un qui possède ce genre de véhicule, un camionneur comme lui, un certain Laurent Taillefer. 

Le duo passe aux aveux

Cinq jours après la découverte du corps, une voisine de la famille Taillefer raconte que la nuit de la disparition, elle a entendu beaucoup de bruit dans cette maison, notamment la voix d'un homme en colère. Vers 6 heures du matin, elle a observé deux hommes sortir de l'immeuble. Elle va reconnaître Billy Taillefer, 24 ans, le fils de Laurent, et Hughes Duguay, 21 ans, son meilleur ami. Une autre voisine affirmera avoir entendu dans la nuit le cri "anormalement long" d'une adolescente. 

Un mois et demi après sa mort, les deux jeunes hommes sont interpellés et placés en état d'arrestation pour le viol et le meurtre de Sandra Gaudet. Dans la voiture, Taillefer prononce cette phrase : "On voulait pas la tuer, c'était un accident". Au poste de police, il précise : "Nous autres, on voulait juste avoir du fun. Ça a été un accident. Ça a été plus long qu'on pensait".

Le lendemain, Taillefer ne cache aucun détail du crime. Avec Duguay, ils ont enlevé l'adolescente, l'ont amenée de force jusqu’à la maison de son père, Laurent. Billy lui a serré le cou et a tenté d'abuser d'elle. Il raconte que son père, en rentrant à la maison, s'est mis en colère et a ordonné aux deux hommes de se débarrasser du corps en prenant son 4X4 rouge. Billy demande pardon à la famille et signe ses aveux.

Des procès-verbaux jamais communiqués par les policiers

En moins d'un an, l'affaire Sandra Gaudet semble trouver son épilogue. Les deux suspects sont désormais considérés comme des coupables. Le 29 octobre 1990, ils comparaissent devant le tribunal du Val d'Or, où la foule les insulte. Billy affirme avoir subi des pressions policières pour signer ses aveux. Les deux accusés évoquent des aveux dictés sous intimidation. Six témoins de la défense, assurent que le duo, était à 70 kilomètres du lieu du crime la nuit du drame. Après plus de trois mois de délibération, ils sont condamnés à perpétuité avec 25 ans de sûreté.

Douze ans plus tard, la Cour Suprême annule le verdict. Elle prend en compte un rapport révélant des irrégularités dans l'enquête. "Les enquêteurs vont découvrir une série de documents qui étaient des déclarations de témoins qui avaient été cachés à la défense. Cela contenait des déclarations très utiles pour les accusés qui démontraient leur innocence et qu'ils disaient la vérité au procès", explique Maître Louis Belleau, le dernier avocat d’Hughes Duguay au micro de RTL. Par exemple, un couple en randonnée a vu deux hommes d'une cinquantaine d'années avec une pelle, sortant d'une voiture non pas rouge, mais marron."

"Ce n'est pas impossible qu'il y ait eu des intérêts cachés dans ce dossier qui ont poussé les policiers à se diriger vers ce pauvre Dugay et Taillefer", avance Stéphane Berthomet, créateur du podcast criminel Redoutables pour L'Heure du crime.

Lundi 14 septembre 2015, la cour supérieure du Québec rejette les demandes de dommages et intérêts déposées par le duo. Ils demandaient environ chacun 15 millions de dollars canadiens pour incarcération abusive. Au mois d'octobre 2024, Hughes Duguay, 54 ans, est retrouvé mort chez lui. Selon son avocat, cet homme, brisé par cette affaire, se serait suicidé.

Les invités de "L'Heure du crime"

- Stéphane Berthomet, ancien policier et le créateur et animateur du podcast Redoutables consacrés à des récits d’affaires criminelles hors norme.

- Maître Louis Belleau, avocat au barreau du Québec, a été le dernier avocat d’Hughes Duguay.

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