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Illustration d'une sage-femme et d'une femme enceinte au Sénégal en 2014
Crédit : SEYLLOU / AFP
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Ce jeudi 24 juin, direction le Sénégal avec une sage-femme itinérante. Elle s’appelle Khadi. Khadidiatou Diao, sage-femme pour l’association Le Kaïcedrat, qui sillonne la brousse à la rencontre des futures mères. Le magazine Causette l'a suivie dans sa tournée.
Ce matin-là, elle est à Dimbo, un petit village perdu du Tambacounda, une région de l’Est pauvre et enclavée. Consultation dans une petite case poussiéreuse faite de paille et de terre. L’examen obstétrical se fait en silence, et sans spéculum. Khadi se passe de mots et de matériel médical. La femme qu’elle examine est à 15 jours de la délivrance.
Un peu anxieuse, elle se rappelle trop bien son dernier accouchement : "C’était il y a quelques années. J’ai eu des contractions soudaines et très violentes alors que je n’étais pas à terme. Le temps d’attacher le cheval à la charrette, et l’enfant était déjà là. Il n’a pas survécu."
Pour un bon suivi, il aurait fallu voyager plusieurs heures sur les pistes cahoteuses pour rejoindre le poste de santé le plus proche, à 20 km de là. Un trajet d’autant plus pénible que les températures atteignent régulièrement les 45 degrés. Trop loin, trop long, trop chaud. Les futures mères renoncent souvent à consulter.
Voilà pourquoi, depuis trois ans, Khadi parcourt ce désert sanitaire à bord du 4X4 de l’association. La sage-femme visite vingt villages par mois, dans un périmètre de 45 kilomètres. La piste est défoncée, mais c’est encore pire à la saison des pluies, quand les routes sont inondées.
Dans ces villages, seule une femme enceinte sur deux effectue les quatre visites prénatales recommandées par l’OMS. Beaucoup y laissent la vie. Le Sénégal, c'est 273 décès pour 100.000 naissances, 28 fois plus qu’en France.
Alors Khadidiatou vérifie tout : tension, poids, vaccins mais aussi la couleur des muqueuses ou l’intérieur des paupières. "Il ne faut pas passer à côté de quelque chose", dit-elle. "Même si on vient une fois par mois, certaines douleurs ou certaines infections peuvent vite dégénérer. On doit anticiper".
À chaque consultation, la même question : "Vous avez mal ?" Elle insiste, parce que les femmes des villages minimisent leurs douleurs. Souvent, on leur donne du fer car il y a aussi beaucoup d'anémies. L’alimentation est composée essentiellement de mil et de pain, pas beaucoup, pas assez pour des femmes qui travaillent dur. Et ça peut être fatal. "Si la femme fait une hémorragie et qu’elle est déjà anémiée, dit Khadi, elle a peu de chances de s’en sortir."
Dans chaque village, il y a une "bajenu gox", une "marraine" en langue wolof, qui fait le relais avec la sage-femme. À Dimbo, c'est Thigida, qui traque les futures mères. "Quand je sais qu’une femme est enceinte et qu’elle ne vient pas voir la sage-femme, je vais chez elle et je la tire par la manche", dit-elle.
"Mais le principal problème, ici, c’est les hommes. Ils refusent de payer les consultations et les médicaments". Ils refusent aussi de moins procréer. Alors dans le secret de la case de consultation, Khadi fait parfois de petites révolutions. "Quand les femmes sont majeures, qu’elles ne veulent plus avoir d’enfants et qu’elles acceptent de braver leur mari, je leur donne une contraception en cachette".
Pour changer les mentalités, les sages-femmes organisent des causeries sous l’arbre à palabres. Un arbre qui finit par donner des fruits : de plus en plus de femmes fréquentent la maternité de Bala. Comme Hary, qui est sur le point d’accoucher. "Je suis plus sereine", dit-elle. "S’il y a des problèmes, je sais que je vais être bien suivie. J’ai anticipé pour pouvoir me payer cet accouchement". 3.000 francs CFA, l’équivalent de 4,50 euros : c’est le prix à payer pour vingt-quatre heures de suivi post-partum. Mais Hary est heureuse : son troisième enfant est le premier à naître dans un lit. Une fille. Elle l’a appelée Khadi.
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