"Il se voit comme un monarque absolu" : pourquoi Donald Trump multiplie les grâces présidentielles envers ses alliés

Il multiplie les grâces présidentielles. Donald Trump a accordé, pour la deuxième fois, un pardon à l'un des participants de l’assaut du Capitole, le 6 janvier 2021, Dan Wilson. Daté de vendredi 14 novembre, le décret de grâce présidentielle, consulté par l'Agence France-Presse, précise que la grâce est "totale et inconditionnelle".

Il avait déjà été gracié par le président Trump le jour de son investiture, aux côtés de 1.500 autres émeutiers, mais était resté en prison pour une affaire de détention illégale d'armes à son domicile du Kentucky. Condamné à cinq ans de prison, il devait être libéré en 2028.

La veille, le président des États-Unis avait gracié l'ancien propriétaire de Tottenham, Joe Lewis, poursuivi pour fraude. Le magnat britannique, âgé de 88 ans, avait demandé une grâce pour recevoir des soins médicaux et rendre visite à ses petits-enfants et arrière-petits-enfants aux États-Unis. Début novembre, 77 personnes impliquées dans la tentative d'inverser les résultats de l'élection présidentielle remportée par Joe Biden en 2020 ont également été graciées.

"Avec Trump, tout est superlatif"

La grâce est un pouvoir discrétionnaire du chef d'État américain gravé dans la Constitution, sans limites explicites. Tous les présidents américains l'ont déjà utilisé pour leurs amis et partisans, mais attendent généralement la fin de leur mandat pour accorder cette clémence. Joe Biden a notamment gracié son fils, ses frères et sœurs et ses alliés politiques durant ses dernières heures à la Maison-Blanche. 

"Dans le cas de Joe Biden, c’était de manière préventive car l’administration suivante était motivée par la vengeance", précise Lauric Henneton, maître de conférences à l’université de Versailles - Saint-Quentin-en-Yvelines, interrogé par RTL.fr. 

"Ce recours à la grâce est assez différent d’un président à un autre et dépend du contexte." Dans le cas de Donald Trump, le républicain ne se prive pas de ce pouvoir et multiplie les grâces présidentielles depuis son retour à la Maison-Blanche. Selon CNN, au 11 novembre, le républicain avait déjà gracié plus de 1 650 personnes, contre 144 lors de son premier mandat. Avant lui, Joe Biden a prononcé environ 80 grâces, tandis que Barack Obama et George W. Bush, qui ont tous deux effectué deux mandats, en ont signé respectivement 212 et 189, selon un décompte de Bloomberg.

"Les grâces du 6 janvier 2021 sont massives et changent toute la statistique", analyse Lauric Henneton. "Avec Trump, tout est superlatif." Néanmoins, "il prend beaucoup de décisions qui peuvent paraître controversées mais qui sont légales", évoquant une "zone grise" dans laquelle évolue régulièrement l'administration Trump.

"Il se voit comme un monarque absolu"

D’après CNN, plus de 84 % des grâces de Donald Trump sont en lien avec des affaires personnelles, dont la grande majorité concernent des personnes inculpées en lien avec les émeutes du 6 janvier 2021 au Capitole. Parmi les autres bénéficiaires figurent de riches criminels en col blanc, des militants anti-avortement, des entrepreneurs du secteur des cryptomonnaies et deux anciens associés de Hunter Biden qui ont trahi le fils de l'ancien président. Certaines d'entre elles n’ont pas encore été inquiétées par la justice fédérale et sont donc graciées à titre uniquement préventif.

Donald Trump n'hésite pas à abuser de ce pouvoir, qui flatte son ego. "Il se comporte en monarque", analyse Lauric Henneton. "Il est ultra-narcissique. Quand on flatte son narcissisme, il est content et donne des récompenses", note-t-il, citant l’exemple des cadeaux offerts par la Suisse à l’effigie du président lors des négociations sur les droits de douane. 

La grâce est un pouvoir hérité de la monarchie et Donald Trump se voit comme un monarque absolu

Lauric Henneton, maître de conférences à l’université de Versailles - Saint-Quentin-en-Yvelines

Et d'affirmer : "Le bon roi Donald 1er gracie ses sujets comme un roi médiéval graciait ses sujets." Selon lui, le président américain "savoure son pouvoir, qui lui provoque une certaine jubilation".

Des accusations de corruption

Cette multiplication des grâces présidentielles envers ses alliés soulève la question du conflit d'intérêt. "Elle est absolument partout dans la pratique de l’administration Trump, au-delà des grâces, entre ses affaires familiales et la présidence", assure Lauric Henneton. "Le droit de grâce est seulement le sommet de l’iceberg." 

“Les grâces ne sont plus accordées à ceux qui reconnaissent leur culpabilité et méritent une clémence, mais plutôt à ceux qui ont des relations et beaucoup d'argent”, affirme Michael Bromwich, ancien inspecteur général du ministère de la Justice, dans les colonnes du Guardian. "La procédure de grâce, en tant que méthode permettant d'accorder la clémence à des accusés méritants, a été remplacée par un système de corruption à peine déguisé."

"Pour la corruption, c'est plus difficile à établir juridiquement", nuance Lauric Henneton. Toutefois un retour des démocrates à la Chambre des représentants l'année prochaine, lors des élections de mi-mandat, pourrait rebattre les cartes.

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