Hongrie : un violon fabriqué dans le camp de concentration de Dachau découvert 80 ans après

C'est un violon trouvé dans un tiroir, au fond d’un vieux meuble, par un couple de chineurs. Un violon poussiéreux, sans étui, sans valeur apparente. Le type d'objet qui, dans une brocante, pourrait faire dire au vendeur : "si vous ne le prenez pas, de toute façon on va le jeter !" Alors ce couple de chineurs l'a pris.

Le site d'informations hongrois Index explique que ces deux collectionneurs d'un petit village à l'ouest de la Hongrie ne se doutaient pas qu’ils venaient de mettre la main sur un morceau d’Histoire. Le violon est montré à un restaurateur. Quelque chose le trouble. La lutherie, la fabrication de l'instrument, est bonne, ce violon est, dans sa conception, digne d’un maître. Mais le bois ne correspond pas à une telle œuvre d'art. Le bois du dos est trop mince et - a contrario - la table d'harmonie, la partie avant de l'instrument, est un peu trop épaisse.

Pourquoi ce violon si bien conçu a été réalisé avec un bois de si mauvaise qualité ? C’est en plongeant le faisceau de sa lampe de poche à l’intérieur que l'expert va d'abord voir un nom inscrit sur une étiquette jaunie, Franz Kempa, et une mention presque effacée, visible seulement sous un certain angle : im K. L. Dachau soit Im Konzentrationslager Dachau ou Dans le camp de concentration de Dachau.

Un violon sorti du milieu de l'enfer

Ce violon a été construit dans ce camp près de Munich où plus de 40.000 prisonniers ont été tués. Pour les collectionneurs, le choc est immense. Mais le restaurateur repère un deuxième papier, collé encore plus profondément à l'intérieur du violon. Une note cachée. Il demande donc l’autorisation d’ouvrir le violon, ce qui lui est accordé. Sur ce morceau de papier, collé, dans un mélange de polonais et d’allemand, il est écrit "Instrument d’essai, pas d’outils, pas de matériaux, fabriqué dans des conditions difficiles au camp de Dachau. L'année 1941. Signé : Franciszek Kempa."

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Franz Kempa, un homme, un artisan, qui était donc prisonnier du camp de concentration. Ce morceau de papier explique tout : ce violon n’a pas été mal fait, mais il a été fait sans rien, avec ce qui traînait au milieu de l’enfer. Franz Kempa ne l'a pas signé pour la gloire mais presque pour s'excuser : un maître luthier cherche toujours la perfection mais lui l'a fait sans les bons outils, sans les bons matériaux, comme il pouvait.

Des recherches ont montré que l'intégralité des instruments retrouvés après la libération du camp par les troupes américaines en 1945 avaient été fabriqués en amont et introduits par les prisonniers lors de leur incarcération. Le violon de Franz Kempa serait donc le seul à avoir été entièrement fabriqué à l’intérieur du camp.

D'autres questions se posent dès lors : comment a-t-il fait pour construire ce violon ? Était-ce une commande d'un officier allemand ? Probablement, mais on ne le saura jamais. Mais des recherches ont permis de retrouver la trace de Franz Kempa. Il a survécu à Dachau. Après la guerre, il a travaillé jusqu’en 1957 dans une modeste fabrique d’instruments à Lubin, en Pologne. Il n’était pas un grand maître reconnu, mais il a laissé une trace : ce violon. Aujourd'hui, le couple de chineurs ne souhaite pas le vendre et recherche un musée qui pourrait l'accueillir : un lieu digne où ce violon pourra être vu et peut-être entendu.