La guerre sur le sol ukrainien entre dans une nouvelle phase : le froid. La neige et les sols gelés : qu'est-ce que l'hiver, aride dans cette partie de l'Europe, va changer dans les combats ? À quels défis sont désormais confrontées les armées russe et ukrainienne ? Pour le comprendre, RTL s'est rendue en Estonie, tout au nord des pays baltes, près de la Finlande, pour participer à un entrainement avec les troupes de l'Otan, dans des conditions extrêmes.
Pour mener une guerre conventionnelle, avec des troupes, avec des chars, avec des tirs d’artillerie, par -10 degrés, dans la neige, il s'agit déjà d'adapter ses vêtements, avoir chaud sans transpirer lorsqu’on marche des kilomètres. "Le choix français a été d'avoir le multicouche", explique le commandant Anthony, qui mène la manœuvre aujourd’hui, "mais aussi d'avoir à la fois une couche sur soi (maillot de corps) chaude. Ensuite, une couche qui va tenir chaud et ensuite une couche isolante pour tenir".
Pour tenir… Aujourd’hui, beaucoup de soldats russes sont mal équipés avec des vêtements troués. Un hiver glacial, des soldats qui meurent de froid, cela peut être un tournant dans la guerre. D’autant que les Ukrainiens, eux, reçoivent des tenues d’hiver, notamment de la part des Canadiens, habitués à ces conditions. Les Américains livrent aussi des dizaines de milliers de parkas ou de bonnets.
Car l'enjeu, c’est de tenir tout l’hiver. Quels sont-ils ces enjeux ? "Et bien, il faut durer", résume un soldat. "Et pour durer, combattre au froid, c'est dormir au chaud". Alors, au milieu des tentes, un poêle à bois très efficace. Inconvénient les soldats doivent transporter les bûches avec eux. "Ça peut paraître un peu, un peu, un peu vieillot", nous dit-on, "mais on a du bois avec nous parce qu'on a des petits poêles à bois qui nous permettent de chauffer les tentes. On a cette culture aussi d'emmener parfois une bûche dans le sac. Donc ça ne nous choque pas".
"Pour s'isoler du sol, explique un autre soldat, "on utilise des branches de sapin qu'on tapisse sur toute la surface de la tente et ça permet de s'isoler en plus, ça limite". Imaginez, certains soldats russes en ce moment en Ukraine se plaignent de n’avoir qu’un vieux duvet pour dormir. Tous les combats sont ralentis sur le champs de batailles ?
Dans l’exercice auquel RTL participe, l'unité doit avancer dans la neige pour prendre position de la zone qu’occupe l'ennemi. Et pour ça le véhicule doit être adapté, c’est un véhicule haute mobilité (VHM), avec des chenilles à la place des roues, ce qui permet de passer partout, ici dans la neige, comme dans les marécages, en Guyane. "Quand vous allez dans les Alpes aux stations de ski, généralement vous voyez des motoneiges pour évacuer les personnes sur les pistes. Mais c'est exactement ça. Et contrairement aux véhicules à roues, cela permet de pouvoir partout', nous dit-on.
Et ça laisse moins de trace dans la neige. Pourquoi ça aussi est-ce important ? Puisque ça brouille les pistes, l’ennemi ne doit pas savoir qu’on est passé par là. "C'est sûr qu'un véhicule qui passe dans un champ de neige vierge, forcément, il va laisser des traces, donc des traces qui peuvent être visibles par l'ennemi. Mais à la fois, l'ennemi peut aussi en laisser. On peut aussi chercher ses traces", souligne un soldat.
Le canon Caesar, livré par la France à l’armée ukrainienne, est lui équipé de roues. Il avancera donc moins vite dans la neige cet hiver en Ukraine.
Et la manœuvre tactique sera-t-elle différente ? En effet, c'est ce qu'explique le lieutenant-colonel Lefevre qui représente l’armée française en Estonie : "On a besoin d'avoir une logistique qui est assez dimensionnée et à la fois d'avoir des unités qui sont légères devant".
Mobile en première ligne, et accepter d’être plus lourd à l’arrière, la logistique, les tentes, de quoi se nourrir, de quoi se couvrir, de quoi se reposer. Les combats seront ralentis par les conditions, ils ne seront certainement pas moins violents. Car, malgré tout, les chars peuvent avancer, même sur une rivière gelée, l’artillerie peut s’abattre sur l’ennemi, même si la quantité de poudre dans le canon doit être adaptée. La guerre ne devrait pas s'arrêter cet hiver, ni le nombre de morts diminuer.