Nous sommes à 12.000 mètres d'altitude. Sous l'appareil de ravitaillement A330 Phénix 049, une mer de nuages. Impossible de reconnaître le paysage que nous survolons. Seule indication donnée par l'équipage nous sommes au-dessus de la Bulgarie et de la Roumanie, proche de la mer Noire et de la frontière avec l'Ukraine.
La mission du jour, ravitailler deux avions Eurofighter Typhoon anglais qui vont effectuer une patrouille de police du ciel au-dessus de cette frontière. Comme toutes les missions de police du ciel menées aux frontières de l'Est, en Bulgarie, en Roumaine, mais aussi au-dessus des pays Baltes et en Pologne, les A330 Phénix de l'Escadron Bretagne décollent de leur base d'Istres, la base aérienne 125.
Pour cette autre mission, direction cette fois-ci la Pologne. Dans les entrailles et les ailes du Phénix 044, une centaine de tonnes de carburant. Il est 15h33 en France. Peu avant, deux avions de chasse Rafale de l'escadron Normandie-Niemen ont eux décollé de leur base de Mont-de-Marsan. Leur mission va durer 8 heures et ils vont parcourir aller-retour 6.000 km sans jamais se poser.
Les avions de chasse sont de très gros consommateurs de carburant
Lieutenant-colonel Pierre, commandant de bord d'un Phénix
Ils vont donc avoir besoin d’être ravitaillés en vol. "Les avions de chasse sont de très gros consommateurs de carburant. Sur des longues missions au cours desquelles ils doivent patrouiller, tenir une zone et s'assurer qu'il n'y ait aucune intrusion, il faut qu'ils restent longtemps en l'air, explique le lieutenant-colonel Pierre, commandant de bord du Phénix 044 à RTL. On est là pour les amener non seulement sur place mais en plus les maintenir sur zone et les ramener ensuite."
Et le premier des quatre ravitaillements de la mission s'effectue au-dessus de l'Alsace, deux autres auront lieu au-dessus de la Pologne et le dernier au retour. Peu d'échange, le strict nécessaire. Dans le cockpit, ce ne seront d'ailleurs pas les pilotes qui régleront la manœuvre mais l'opérateur de ravitaillement, le "boomer" comme on le surnomme. Sur cette mission c'est le sergent-chef Rémi.
Sur ses écrans de contrôle, une multitude de données et les images des caméras qui scrutent l'opération. "Une fois que les chasseurs sont dans notre 'bulle', c'est moi qui gère la sécurité de l'opération, je déploie les tuyaux, je les autorise à venir se connecter et une fois le carburant délivré, je les autorise à se déconnecter", précise-t-il.
Ces opérations de ravitaillement en plein vol sont toujours très délicates et spectaculaires. Après avoir pris contact avec les chasseurs, le ravitailleur descend à 7.000 mètres et commence à opérer des cercles. Sous chaque aile, un "pod" d'où un long tuyau d'une trentaine de mètres est déroulé. Il flotte avec à son bout une nacelle de la taille d'un grand panier de basket dans lequel le pilote de chasse va connecter sa perche de ravitaillement.
Le ciel est flamboyant, la couche de nuages orangée, les deux Rafale se glissent alors lentement par l'arrière chacun sous une aile. "On voit l'un des Rafale s'approcher lentement sous l'aile droite, il doit maîtriser sa vitesse, on est à environ 600 km/h. Avec une vitesse de rapprochement de 5 à 10 km/h pas plus, on le voit connecter sa perche de ravitaillement dans le panier. Il récupère son kérozène, environ une tonne toutes les minutes. L'avion est à une dizaine de mètres du bout de l'aile du ravitailleur et à 5 mètres de la carlingue", raconte le colonel Stéphane, pilote de chasse, des centaines de ravitaillements à son actif.
Presque 5 tonnes de kérosène sont délivrées à chacun des deux chasseurs sur les 105 tonnes que transporte l'A330. Une opération évidemment primordiale pour la mission.
Si vous ne pouvez plus ravitailler, c'est un échec mission
Colonel Stéphane, porte-parole de l'Armée de l'Air et de l'Espace
"C'est une opération délicate, le risque étant principalement de casser un morceau de sa perche de ravitaillement et de ne plus pouvoir ravitailler. Et si vous ne pouvez plus ravitailler, c'est un échec mission, c'est ce qui est peut-être le plus dur qui puisse nous arriver", précise le colonel Stéphane.
Alors que les deux chasseurs se déconnectent, le Phénix lui reste en attente dans la même zone en retrait de la frontière, peut-être à proximité de l'enclave russe de Kaliningrad entre la Pologne et la Lituanie. Il opère des cercles dans un hippodrome virtuel où viendront le rejoindre les Rafales une heure et demi plus tard pour un second ravitaillement.
Les chasseurs pourront ainsi effectuer la globalité de leur mission de police du ciel au-dessus de la frontière entre la Pologne et l'Ukraine. Et malgré un léger relâchement dans le cockpit, l'équipage reste concentré.
Le lieutenant-colonel Pierre a connu le théâtre afghan. Il reconnaît que "l'appréhension est la même, c'est une mission opérationnelle qui requiert toute notre attention. Ce n'est pas une mission d'entraînement, pour autant, c'est exactement ce qu'on sait faire. On est entraîné par exemple à se mettre à l'abri au cas hypothétique où on serait menacé".
Cet espace aérien n'est pas contestable
Colonel Stéphane, porte-parole de l'Armée de l'Air et de l'Espace
Il est à noter que les A330 Phénix MRTT Multi Role Tanker Transport sont de véritables stations-services volantes qui ravitaillent tous les types d'avions de l'OTAN. Grâce à une longue perche rigide qui se déplie à l'arrière de l'appareil, le Phénix peut ainsi ravitailler des F16 et des chasseurs furtifs F35 de l'US Air Force et même des Awacs, ces gros porteurs de surveillance électronique.
Depuis plus d'un an, aux frontières de l'Est, on assiste donc à un ballet incessant de chasseurs de toutes les nationalités qui composent l'OTAN.
"Les alliés envoient des avions de chasse qui se relaient sur une zone spécifique afin que, en permanence, l'espace aérien le long de la frontière avec l'Ukraine soit protégé, détaille le colonel Stéphane. Clairement, ce qu'on souhaite faire comprendre, c'est qu'il y a une frontière et un espace aérien qui n'est pas contestable et par notre présence, on montre très bien qu'il y a des limites à ne pas franchir."
Ce sont donc ces missions qu'accompagnent les avions ravitailleurs français. Depuis le début du conflit en Ukraine, ils ont effectué plus de 250 missions de ravitaillement. Le jour n'est pas tombé, c'est l'heure du retour en France. Ils sont invisibles mais les deux Rafale eux aussi sont là.
Au-dessus de Strasbourg, c'est le dernier ravitaillement avant de se séparer. Il fait nuit, on n'aperçoit que la silhouette des chasseurs et leurs feux de position. Une fois le plein effectué, court celui-là, les avions de combat opèrent un dernier break, un virage de dégagement et allument leur postcombustion, une flamme blanche dans la nuit.
Après 50 minutes de vol, l’A330 Phénix 044 est en approche de sa base d'Istres. Il est 22h15 zoulou, 23h15 lorsque le ravitailleur atterrit. Le Phénix 044 se stationne entre deux autres A330 identiques. En tout, l'Armée de l'Air et de l'Espace en possède actuellement 9.
Ils seront 12 à la fin de l'année sur le tarmac de la base 125 d'Istres. Demain matin, l'un d'entre eux repartira pour survoler la Pologne, les Pays Baltes, la Roumanie ou bien la Bulgarie. Mission d'un avion ravitailleur français au-dessus de la Bulgarie.
Bienvenue sur RTL
Ne manquez rien de l'actualité en activant les notifications sur votre navigateur
Cliquez sur “Autoriser” pour poursuivre votre navigation en recevant des notifications. Vous recevrez ponctuellement sous forme de notifciation des actualités RTL. Pour vous désabonner, modifier vos préférences, rendez-vous à tout moment dans le centre de notification de votre équipement.
Bienvenue sur RTL
Rejoignez la communauté RTL, RTL2 et Fun Radio pour profiter du meilleur de la radio
Je crée mon compte