Le président chinois Xi Jinping est arrivé lundi soir à Moscou pour une visite d’état de trois jours. La réunion de deux dictateurs et de leurs ministres, c’est un peu comme la réunion du Spectre dans James Bond, le club des méchants. Les deux chefs d’État ont diné avec du gibier et des cailles. Au menu de leurs conversations, bien sûr le plan de paix pour l’Ukraine présenté récemment par Pékin, mais surtout les relations économiques entre les deux géants, qui partagent une frontière commune de plus de 4.000 kilomètres, en Sibérie.
Une dizaine d’accords commerciaux devraient être signés lors de la visite. La Chine cherche à faire de la Russie une sorte de colonie, qui lui fournira les hydrocarbures, gaz et pétrole, et les matières premières dont elle a besoin pour alimenter son économie. Les Chinois méprisent et détestent les Russes depuis toujours, les relations entre les deux pays ont souvent été émaillées d’incidents frontaliers, en particulier à l’époque de Mao, après la brouille sino-soviétique, à la fin des années 1950. À l’époque, tous les matins, les soldats postés à la frontière montraient leurs fesses dénudées à leurs homologues russes.
En fait, ces deux pays ne se sont jamais entendus durablement. Mais la guerre d’Ukraine a bouleversé la donne. Moscou a besoin de continuer à commercer malgré les sanctions occidentales, Pékin profite donc de cela pour acquérir son énergie à bas prix et envoyer ses entreprises à la place des occidentales qui sont parties, dans l’automobile en particulier.
Ça reste faible par rapport au commerce entre la Chine et l’Amérique, mais les échanges ont quand même progressé de 46% l’année dernière entre la Chine et la Russie, pour atteindre 190 milliards de dollars. La Chine veut à la Russie d
des produits industriels, des machines, mais aussi des semi-conducteurs, composants vitaux pour construire des armes comme les missiles, des drones, des systèmes de navigation, des radars, tout ce qu’on appelle technologie "duale", servant à la fois au civil et au militaire. Les systèmes d’armement des deux pays sont très proches, car jusqu’en 2021, la Russie fournissait à la Chine 80% de ses achats d’armes.
Ce commerce passe par un pont construit sur le fleuve Amour, qui sépare les deux pays, avec une ligne ferroviaire inaugurée l’année dernière, qui passe de la Sibérie russe à la Sibérie chinoise. Mais les trains sont saturés. Quant au fret maritime, c’est pareil, il n’était pas prévu pour une telle croissance des échanges, d’autant plus que les bateaux sous pavillons occidentaux refusent désormais d’effectuer les trajets, ce qui a fait monter les prix.
La Russie n’est pas du tout isolée au plan commercial. La guerre d’Ukraine révèle que les sanctions occidentales ont beaucoup moins de portée qu’auparavant, parce qu’il s’est construit une sorte de contre-mondialisation, alternative à celle de l’Amérique, dirigée par la Chine. La Turquie et l’Inde y participent, même si ces deux-là commercent aussi avec l’Occident.
Une contre-mondialisation commerciale, politique, mais aussi financière et monétaire. Avant la guerre, le commerce russe n’était libellé en yuan qu’à 0,5%. La monnaie chinoise est aujourd’hui utilisée dans 16% des échanges russes, au détriment du dollar et de l’euro.
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