La guerre en Ukraine a fait une nouvelle victime chez les combattants Français, ces volontaires qui se sont engagés d'eux-mêmes au sein des forces ukrainiennes. Cela porte donc à 4, désormais, le nombre de Français tués dans le conflit. Parmi eux, Adrien Dugay-Leyoudec, 20 ans, mort en juin dernier dans une frappe d'artillerie russe dans la région de Kharkiv. RTL a rencontré ses parents au Puy-en-Velay.
Adrien est parti combattre quelques jours seulement après le début de l'invasion russe, il y a près d'un an, sans prévenir ses parents de son projet. Le jeune homme a préparé ce voyage dans le plus grand secret, avec son frère cadet Charles. Ils n'ont rien dit à leurs proches et à leurs parents. Dans l'appartement familial, les portraits des enfants sont affichés partout. On voit Adrien, sur un cliché, moustache naissante, visage juvénile. À la lisière d'une forêt ukrainienne, il pose en tenue de camouflage, fusil en bandoulière.
David, son père, se rappelle parfaitement la dernière fois qu'il a vu son fils. "C'était une semaine avant les vacances de février. C'était le rituel, on allait à la pizzeria. Forcément, comme le péril russe commençait à venir, on a dû en parler mais on ne pensait pas du tout que cela allait évoluer comme ça", nous confie-t-il.
Quelques jours après le début de la guerre, Adrien rejoint d’abord son frère Charles, qui étudie en Allemagne. Les deux garçons se rendent ensuite en Pologne, en train, avant d'atteindre la frontière. "J'ai reçu un appel de Charles : 'tout va bien, on est en Ukraine, Adrien vient de s'engager dans la légion internationale'. J'étais saisi de frayeur, pour moi, c'est extrêmement violent", explique encore le père du jeune homme.
Adrien est un adolescent sportif, qui avait l'habitude de marcher en montagne, mais il n'avait alors, aucune formation militaire, à l'exception d'un stage découverte effectué en 2019. Lors du passage à la douane, le jeune homme, la mine grave, ne porte qu'un petit sac-à-dos, une photo un peu floue immortalise d'ailleurs ce moment. Les parents préviennent immédiatement le Quai d'Orsay et recevront, quelques semaines plus tard, la visite de deux agents de la DGSI, la Direction générale de la sécurité intérieure, qui ne pourront rien faire pour eux.
Au fond de moi j'étais persuadée qu'il rentrerait
Maud, la mère d'Adrien
Après avoir appris son départ, ses parents ont gardé le contact avec lui, ils se téléphonaient quand cela était possible, lorsque le réseau le permettait. Au téléphone, Adrien tient alors des propos rassurants. Malgré l'angoisse et la peur, les parents ont tout fait pour garder le contact, ne lui ont pas demandé de rentrer en France, car ils ont vite compris qu'ils n'arriveraient pas à le faire changer d'avis. Adrien envoie régulièrement des messages, des vidéos et des photos à sa mère Maud. Il décrit le quotidien de son bataillon de volontaires déployés à l'Est de Kharkiv, des Français, des Taiwanais et des Polonais.
"Il nous dit : 'Je suis sur la ligne de front, ici c'est comme dans Le Bon, la Brute et le Truand, ça fait deux jours qu'ils tirent des rafales'. Son objectif c'était d'aller combattre, d'avoir une arme, d'être sniper", dit sa mère Maud. "Le fait de savoir que mon fils pouvait tuer des gens, c'est quelque chose que je n'approuve pas forcément mais au fond de moi j'étais persuadée qu'il rentrerait", confie-t-elle. Fin mai, Adrien cesse brusquement de répondre à ses messages. Il vient d'être grièvement blessé dans un bombardement russe et hospitalisé dans le coma au sein d'un hôpital de Kharkiv.
Le 25 juin au matin, Maud a un mauvais pressentiment. Elle voit un numéro ukrainien s'afficher sur son téléphone portable : "C'était la première fois que j'avais le porte-parole de la légion pour nous expliquer qu'Adrien était mort le matin même. On ne s'est pas dit au revoir, mais nous lui avons dit qu'on l'aimait, qu'on le trouvait courageux. Plusieurs mois après son décès, je mets plusieurs secondes à me dire qu'il est mort, que je ne le reverrai plus. Ça sera toujours un vide".
Il était très loin du gamin perdu, le contre-exemple finalement
David, le père d'Adrien
David et Maud cherchent toujours des réponses, tentent de retracer son parcours en interrogeant, par exemple, certains combattants de son bataillon. D'un père enseignant et d'une mère directrice de musée, le garçon a été élevé dans des valeurs humanistes au sein d'une famille engagée. Un gamin, décrit comme fâché avec l'école et l'autorité, mais curieux de tout, débrouillard et touche-à-tout. Un BAC, 2 CAP en ferronnerie d'art et en coutellerie, il s'apprêtait à se lancer dans un BTS de gestion forestière.
"Adrien, c'était quelqu'un de passionné, plein de projets qui partaient un peu dans tous les sens. C'était quelqu'un de cultivé, particulièrement en histoire. Il ne supportait pas l'injustice, l'important c'était de faire sa part, que chacun était responsable. Ce sont ces valeurs là qu'il est allé défendre. (Il était) très loin du gamin perdu, le contre-exemple finalement", raconte son père. Selon ses parents, Adrien ne se retrouvait dans aucun parti politique, de gauche comme de droite.
Ils l'ignoraient, mais quelques années plus tôt, il avait déjà envisagé d'aller combattre au sein des milices kurdes syriennes contre l'Organisation État Islamique. Aujourd'hui, sa mère reste admirative de l'engagement de son fils. "Il est mort pour une cause juste. Mais parfois, il y a une forme d'incompréhension, les gens disent que ce n'est pas notre guerre, qu'il n'avait pas à faire ce genre de choses. Moi je pense au contraire qu'il faut tout faire pour que la Russie ne gagne pas cette guerre. Mais naturellement que je regrette jusqu'à mon dernier souffle sa disparition", explique sa mère.
Les cendres d'Adrien ont été dispersées, à 1.000 mètres d'altitude, autour de la ferme familiale, face à la vallée. C'est ce qu'il avait demandé à son frère, au moment de passer la frontière, s’il venait à mourir en Ukraine.
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