Ce dimanche 10 octobre était la Fête nationale taiwanaise. Une célébration au goût amer cette année, car l'île sent se resserrer l'étau chinois autour d'elle. Pékin considère en effet ce territoire comme une de ses provinces et menace de recourir à la force si Taïwan en venait à proclamer formellement son indépendance.
Taïwan, qui jouit d'un système démocratique, est dirigée par un pouvoir qui lui est propre depuis la victoire des communistes sur le Continent en 1949. Mais Xi Jinping ne cache plus son désir de voir l'île réunie avec la mère-patrie.
"Réaliser la réunification de la patrie par des moyens pacifiques est dans l'intérêt général de la nation chinoise, y compris des compatriotes de Taïwan", a encore estimé samedi le président chinois avant de mettre en garde contre toute ingérence étrangère (et américaine) : "la réunification de notre pays peut être réalisée et le sera".
Une intimidation à laquelle a répondu la présidente taïwanaise : "personne ne peut forcer Taïwan à emprunter la voie que la Chine a tracé pour nous", a soutenu dimanche Tsai Ing-wen, affirmant que l'île est "en première ligne pour défendre la démocratie". "Il ne faut absolument pas imaginer que le peuple taïwanais cédera aux pressions" de le Chine, a-t-elle ajouté.
Des pressions militaires l'île aux 23 millions d'habitants en connaît de plus en plus.
Les avions chinois ont récemment multiplié les incursions. Un record de 150 appareils, dont des bombardiers H-6 à capacité nucléaire, ont pénétré la zone d'identification de défense aérienne taïwanaise dans les jours précédant et suivant le 1er octobre, date de le fête nationale en Chine.
Les incursions chinoises ont également suscité des critiques de la part de Washington. Joe Biden a assuré avoir discuté de Taïwan avec son homologue chinois le mois dernier. "Nous respecterons l'accord sur Taïwan", a affirmé le président américain. "Nous avons dit clairement que je ne pense pas qu'il devrait faire autre chose que de respecter l'accord", faisant visiblement référence à la politique américaine en vigueur depuis le transfert américain de la reconnaissance diplomatique de Taipei à Pékin en 1979.
En vertu de cet arrangement, les États-Unis fournissent à Taïwan du matériel militaire pour se défendre, dans le cadre d'une relation non officielle et non diplomatique. Un porte-parole de la présidente Tsai Ing-wen a aussi déclaré que Taïwan avait contacté Washington suite aux remarques de Joe Biden et avait reçu l'assurance que la politique américaine à l'égard de l'île "restait inchangée".
Sauf que si la position de Washington est, du moins officiellement, immuable, le rapport de force est, lui, en train de basculer. Désormais à la tête de l'armée chinoise la plus puissante de son histoire, (le budget de la défense pourrait monter à 270 milliards de dollars d'ici 2023), Xi Jinping bombe le torse tout en multipliant les simulations d'une invasion de l'île. Taipei estime ainsi que Pékin serait en mesure de lancer une attaque de grande envergure en 2025.
Les militaires chinois n'hésitent d'ailleurs plus à défier publiquement leurs homologues américains. Un officier a récemment averti à la télévision Washington et Tapei "de ne pas jouer avec le feu sur la question de Taïwan et de s'immoler eux-mêmes".
"La question de Taïwan a cessé d'être une sorte de question étroite et confidentielle", assure au New York Times Evan Medeiros, ancien conseiller de sécurité nationale de Barack Obama. "Elle est devenue un théâtre central, sinon le drame central, dans la compétition stratégique américano-chinoise".
Avec Taïwan, la tension monte donc encore d'un cran entre les deux superpuissances, alors que les États-Unis font désormais de la zone indopacifique leur première priorité. Dans ce contexte, un objet non identifié a heurté un sous-marin nucléaire américain début octobre en mer de Chine méridionale, zone aussi largement revendiquée par Pékin, et autre potentiel théâtre à un conflit larvé avec Washington.
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