Affaire Epstein : "Le fantôme de Jeffrey Epstein revient hanter Donald Trump", affirme Lauric Henneton sur RTL

Dans la nuit du 18 au 19 juillet, Donald Trump a déposé une plainte pour diffamation contre le Wall Street Journal, réclamant 10 milliards de dollars de dommages et intérêts. Le journal économique américain est accusé par l’ancien président de l’avoir injustement lié à Jeffrey Epstein, financier déchu et délinquant sexuel notoire, via un dessin satirique dans lequel Trump aurait dédicacé une illustration à caractère salace à Epstein, accompagné d’un dialogue fictif évoquant un mystérieux "secret" entre les deux hommes.

L’affaire a rapidement enflammé le débat public, tant elle touche un point névralgique de la politique américaine contemporaine : le soupçon de connivence entre élites politiques, financières et médiatiques. Lauric Henneton, spécialiste des États-Unis et maître de conférences à l’Université de Versailles–Saint-Quentin-en-Yvelines, analyse cette affaire sur RTL.

Ce nouvel épisode judiciaire marque peut-être un tournant. "Le fantôme de Jeffrey Epstein revient hanter le président", estime Lauric Henneton. "C’est un peu comme le sparadrap du capitaine Haddock : ça refuse de partir. " Depuis plusieurs années, Donald Trump tente de se défaire de toute association avec Jeffrey Epstein. Pourtant, l’ombre du financier continue de planer sur sa trajectoire politique.

Jeffrey Epstein, homme d’affaires au carnet d’adresses bien rempli, est décédé en prison en 2019 dans des circonstances controversées. Avant sa mort, son nom était lié à de nombreux responsables politiques, personnalités médiatiques et figures du monde des affaires. Trump, comme d’autres, a fréquenté Epstein à une époque. Dès lors, toute allusion à une proximité entre les deux hommes ravive le soupçon.

Complotisme, populisme et double discours

Ce soupçon n’est pas nouveau, mais il rebondit dans un contexte chargé : celui d’une campagne électorale où Donald Trump cherche à revenir en position de force. Pendant longtemps, Trump a accusé les démocrates de dissimuler une prétendue "liste de clients" impliquant des figures de premier plan dans l’affaire. 

Certains républicains affirmaient que, une fois au pouvoir, ils dévoileraient cette liste. Mais à leur tour, lorsqu’ils ont eu accès à ces documents, rien n’a été publié.

Aujourd’hui, cette stratégie se retourne contre Trump. "Pourquoi vous ne publiez pas ? Vous avez certainement quelque chose à cacher…", entend-on désormais dans les rangs opposés. Une inversion de la dynamique du soupçon, analysée par Lauric Henneton : "Le populisme de Trump s’est construit sur le complotisme, notamment à travers l’affaire du birtherism (la fausse rumeur selon laquelle Barack Obama ne serait pas né aux États-Unis). Toute sa carrière politique vient de là. Mais aujourd’hui, il y a comme un divorce qui s’opère entre lui et une partie de ses militants."

Une attaque contre un journal pas si hostile

Le choix de viser le Wall Street Journal surprend. Ce journal n’a jamais été un farouche opposant à Donald Trump. Il est considéré comme une référence économique, plutôt conservatrice, à l’instar des Échos en France. Son propriétaire, Rupert Murdoch, est aussi celui de Fox News, chaîne favorable à Trump, au moins sur le plan éditorial et commercial.

Mais les relations entre Trump et Murdoch sont fluctuantes, souvent dictées par les intérêts du moment. "Il y a des affinités qui sont de l’ordre de l’intérêt bien entendu", résume Lauric Henneton. Loin d’être un tabloïd sensationnaliste, le Wall Street Journal conserve une certaine rigueur journalistique, ce qui rend ses insinuations d’autant plus lourdes de conséquences pour Trump.

Le dessin controversé, bien que fictif, ajoute une pièce dans la machine à soupçons : "il n’apporte pas de preuve tangible, mais alimente l’idée persistante que Trump pourrait avoir quelque chose à cacher." Ce flou artistique, mêlant satire et insinuation, est précisément ce que vise la plainte du président américain.

Avec cette plainte, Donald Trump tente une nouvelle fois de reprendre l’initiative. Il demande également la levée du secret judiciaire sur les documents relatifs à l’affaire Epstein, une démarche en phase avec sa rhétorique populiste : dénoncer les élites, réclamer la transparence, se poser en victime d’un "système" qui chercherait à le faire taire.

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