"Influenceur" est devenu le mot magique qui fait briller les yeux de nombreux jeunes. Une carrière dans la lumière, sans patron, avec des abonnés (voire des fans) qui vous suivent sur les réseaux sociaux... Le tout accompagné d'une confortable rémunération, de cadeaux et d'avantages. Voici ce que certains imaginent lorsqu'ils pensent aux influenceurs.
"Influenceur" est une véritable profession même si elle ressemble plus à un statut symbolique. En France, ils sont pas moins de 150.000. Les influenceurs sont des créateurs de contenus sur internet et en particulier les réseaux sociaux. Pour en faire partie, il faut avoir une communauté bien établie et la faculté, subtile, de l'influencer en provoquant des actes d'achats.
Mais comment devenir le prochain Squeezie, Tibo InShape, Norman, Cyprien, EnjoyPhoenix ou Léna Situations ? Il faut admettre que les grands influenceurs sont presque exclusivement des autodidactes. Des fortes personnalités qui ont su saisir les bonnes opportunités et faire grandir leur communauté intelligemment alors que les réseaux sociaux naissaient et qu'une nouvelle forme de publicité 2.0, plus agile, était en pleine expansion.
Mais si vous n'étiez pas là dans les premières années de cette ère numérique avec votre blog, votre compte Instagram ou votre chaîne YouTube, alors il sera sans doute difficile pour vous de faire votre nid dans un univers désormais ultra-concurrentiel. Certains professionnels font cependant miroiter un avenir radieux à des wannabe-influenceurs. Agences, écoles, intermédiaires, collectifs... Ils promettent souvent une forme de célébrité et de l'argent facile...
Une nouvelle école a bien senti cette appétence de la jeunesse pour la vie fantasmée d'influenceur. "Devenir influenceur ce n'est plus un rêve inatteignable, Ambaza est la première école d'influenceur française. L'objectif pour chaque élève est d'obtenir 20.000 followers Instagram et de générer plus de 5.000 euros par mois", avance Ambaza dans une vidéo promotionnelle qui a rapidement été moquée et condamnée sur les réseaux sociaux.
La promesse était alléchante mais semblait trop ambitieuse. Était-ce une nouvelle arnaque ? Sur Internet, les promesses d'argent facile sont légion. "C’est un enjeu tel que les ministres Bruno Le Maire et Olivia Grégoire sont régulièrement intervenus sur le sujet ces derniers mois", rappelait Anaïs Bouissou dans son édito sur RTL.
Passé le bad buzz (qui aura au moins eu l'avantage de placer Ambaza sur la carte), son fondateur a misé sur une contre-attaque médiatique pour redorer le blason de sa formation. "Ambaza n'a jamais promis ni garanti quoi que ce soit, écrit Rémy Halgrain, cofondateur d’Ambaza dans un communiqué. Il s’agit d’objectifs permettant de déterminer le succès de l’élève. Un élève restera ensuite au sein de la communauté pour parfaire sa formation et développer son audience jusqu'à ce que ces objectifs soient atteints. À aucun moment, il n'est promis que cela serait réalisé en 3 jours [durée de la formation qui est facturée 750 euros voire 1.200 euros pour l'option formation continue qui permet surtout d'accéder à un réseau privé]". Il faut dire que la vidéo promotionnelle qui affichait cet "objectif" accompagné d'images de yachts, jets privés et champagne pouvait amplifier la confusion et la suspicion.
La vidéo a été requalifiée par l'école de "parodique". Un film "au contenu exagéré, extrême, qui fait réagir les 18-25 ans". Ambaza promet de ne pas propager cette vision superficielle du métier et d'expliquer à ses élèves (environ 140 élèves formés) les réalités du métiers lors d'entretiens préalables.
"Dire : tu fais une école et tu seras influent, ce n'est pas possible, tranche net Tokyobanhbao, l'une des plus expérimentées blogueuses en France contactée par RTL. Ça reviendrait à dire que tous les élèves du Cours Florent sont destinés à devenir des acteurs célèbres, ça ne se passe pas comme ça".
Celle qui est aussi illustratrice connaît sur le bout des ongles le marché de l'influence en France. Son blog "mode et gourmand" existe depuis 2007. Une période préhistorique pour l'influence. "Quand j'ai commencé en 2007-2008, les marques commençaient tout juste à s'intéresser à ce qu'on n'appelait pas encore des 'influenceurs'. On était juste 'des blogueurs' qu'il ne fallait ne surtout pas mélanger avec les journalistes par exemple. Au début, on ne nous payait pas, on recevait des dotations, on nous donnait les vêtements qu'on essayait directement ou sous la forme de bons d'achats".
En quelques années, les marques ont bien compris l'intérêt de mobiliser ces créateurs de contenus qui attiraient des yeux, des cerveaux et des porte-monnaies que les médias traditionnels avaient perdus. Et ils ont commencé à mieux les traiter... et mieux les rémunérer. "Dans les années 2010, les marques se sont engouffrés dans cette brèche, raconte la blogueuse. On n'était qu'une petite trentaine d'influenceuses sur le créneau mode et on s'est rendu compte que les gens s'arrachaient ce qu'on montrait sur nos blogs." Les bons d'achats deviennent réguliers, la rémunération directe aussi. "Certains mois, j'avais entre 200 et 1.000 euros de bons d'achat, je me faisais quelques centaines d'euros par-ci, par là avec des pourcentages sur les codes d'affiliation par exemple", se souvient-elle.
C'est là que ce qui ressemblait à un hobby miraculeusement rémunérateur est devenu une vraie profession. "J'ai eu la tentation de me mettre à temps plein sur l'influence, mais j'ai résisté.... par manque de temps et aussi en me rendant compte de la surconsommation que cette activité engendrait. À l'époque, avec le statut d'auto-entrepreneur mes revenus sont rapidement montés vers les 35.000 euros annuels". Il ne s'agissait plus de faire du shopping et de poster de belles photos sur les réseaux sociaux. Comptables, avocats, photographes, agents, mails, impôts, compte-rendus sur les audiences auprès des marques... l'influence est devenu un vrai travail avec son lot de gestion, de paperasse et de pièges.
"J'ai tout appris sur le tas, en demandant à d'autres blogueuses qui avaient les mêmes problèmes que moi ou en tâtonnant seule. C'était un peu comme quand j'ai déclaré mes impôts seule pour la première fois, s'amuse Tokyobanhbao. Pour cette raison, je pense qu'une formation aujourd'hui pourrait-être utile. Pas une formation sur les réseaux sociaux ou les techniques pour avoir des followers, mais sur le reste du travail : droit de la propriété intellectuelle, comment négocier avec les marques, connaître les limites de la loi Evin, les règles de rémunération des enfants pour les "influenceurs famille", la compta, les règles de la pub et les contenus sponsorisés pour ne pas tomber dans l'illégalité... Les formations devraient être là-dessus".
Si elle n'a pas fait d'école d'influenceurs et reste dubitative quant à l'émergence de celles-ci, Tokyobanhbao a testé certaines formations. En général, elles sont très courtes et ne permettent pas d'obtenir de diplôme, simplement quelques savoirs pratiques et un label. L'autorité de la régulation professionnelle de la publicité (ARPP) dispense par exemple un "Certificat de l’influence Responsable" pour 49 euros. En quelques heures, l'institution offre des clés aux influenceurs ou apprentis influenceurs : "comment être transparent sur vos partenariats ? Quelles règles respecter quand vous parlez d’environnement, de santé, de produits cosmétiques, de produits alimentaires, de jeux d’argent… Quels sont les grands principes éthiques qui encadrent le marketing d’influence ? (loyauté, protection des enfants, décence, dignité…)".
Si ces formations naissent et se multiplient, c'est parce que le marché reste encore un gigantesque "far west". Les marques désirent de plus en plus sous-traiter leur communication à des influenceurs mais ces derniers ne sont pas toujours d'une grande maturité. "Les influenceuses qui ont commencé avec moi ont souvent des formations dans la comm', le graphisme, j'en connais même une qui est vétérinaire, liste Tokyobanhbao qui a 42 ans aujourd'hui. Avoir un diplôme, un cadre, des compétences, c'est important. Mais j'ai eu l'occasion de travailler avec certains influenceurs par le passé et je me suis dit : 'Il y a un manque de professionnalisme, ça se voit qu'ils n'ont jamais été salariés de leurs vies. Ils sont fascinés par le 'bling' des événements, par la lumière...''.
Candice Collomb, consultante en influence, a remarqué, elle aussi, le besoin de professionnalisation du monde de l'influence avec les années. "Avec le premier confinement, les marques se sont massivement tournées vers l'influence qui permet une communication agile et réactive en abandonnant un peu les campagnes de publicités plus traditionnelles et plus lourdes. Mais les influenceurs ne sont pas tous au même niveau. Certains sont très organisés, savent négocier leurs contrats, ont des agents en béton, sont réactifs... Et il y a les autres qui sont un peu perdus. Ils ne comprennent pas les consignes, les deadlines, leurs obligations. Ils ne savent pas faire."
Pour elle qui travaille depuis plus de 10 ans dans l'influence, les personnes qui veulent se lancer dans le métier n'ont pas forcément besoin d'une école. "Penser le métier par le nombre de followers, c'est ridicule. C'est un chiffre vaniteux qui ne veut rien dire, analyse Candice Collomb. Pendant des années, des influenceurs et leurs agents achetaient des faux abonnés par exemple. Si vous pensez qu'avoir 20.000 followers fera de vous une Nabilla..., continue-t-elle, dubitative. Si vous n'avez pas de passion, pas de personnalités et que vous êtes sur le même créneau que des centaines d'autres influenceurs, ça ne marchera pas."
D'après elle, la vaste majorité des formations proposent du "bullshit". "Ce qu'il faut, c'est avoir une passion. Quelque chose qui vous permettra d'être sincère avec vos abonnés et vous-même, explique-t-elle. Il faut devenir référent sur un sujet, de préférence que d'autres n'occupent pas déjà. Cette passion vous permettra d'être régulier et c'est ce qui compte le plus".
À la façon de la périlleuse rubrique "hobbies" d'un CV, les influenceurs doivent absolument éviter les banalités. Pas question d'être passionné par "les voyages" ou "le cinéma" comme 95% de la population. Il faut trouver des niches. "Une chaîne YouTube qui propose des astuces de bricolage peut rapporter gros, dit-elle. Une marque comme Leroy Merlin peut faire des partenariats très intéressants pour quelqu'un capable de faire une vidéo, même artisanale, sur "comment purger un radiateur ?" par exemple. Si vous voulez vous lancer dans la mode, la food, raconter votre vie de jeune maman... Vous arrivez trop tard. Il y a des milliers de comptes qui s'intéressent à ces sujets. Pour les marques, les influenceurs sur ces thèmes sont remplaçables. Aucune raison de bien les rémunérer."
Comme pour tous les marchés, ce qui est rare est cher. "Sur la mode et la beauté en revanche, nous manquons d'hommes par exemple pour vendre des crèmes, des montres...", fait remarquer la consultante. Messieurs, à vos smartphones. Si vous choisissez bien votre secteur, l'opération peut devenir très intéressante, assez rapidement. "Je connais une influenceuse qui est une passionnée du crochet. Elle fait des petits animaux, des citrouilles... Parce qu'elle aime ça. Elle partage sa passion. Et, bien sûr, les boutiques de loisirs créatifs sont en recherche de ces personnalités. Avec 10.000 abonnés seulement, on peut facturer 400 ou 500 euros la photo sur Instagram par exemple", évalue Candice Collomb. Pas de quoi s'acheter un yacht ou un jet privé, mais il s'agit d'un intéressant complément de revenus.
Les plus gros influenceurs, les youtubeurs qui dépassent les 1 million d'abonnés, eux, peuvent avoir des prétentions bien plus alléchantes : "Une vidéo de 30 minutes sur un sujet assez intemporel... Je pense qu'on peut la payer 80.000 euros par exemple", note la consultante. Mais attention, tout n'arrive pas dans la poche du créateur. "Souvent, il a une équipe avec lui qu'il convient de rémunérer : matériel, lieux, monteurs, ingénieurs du son, agents, impôts, comptables..."
"A 20.000 abonnés, vous devez absolument avoir un travail à côté. Vous ne toucherez pas 5.000 euros par mois, prévient-elle. Des bébés Nabilla, il y en a plein. Et cette vie de luxe qui est vantée par certains, elle n'est accessible que si vous avez les moyens d'investir en amont. Les marques doivent vous repérer, donc vous devez payer les palaces, les SPA, les robes de couturier par vous-même pour que les marques vous repèrent sur ce créneau. Et ça, c'est souvent impossible pour ces jeunes."
"C'est d'ailleurs pour ça que vous retrouvez généralement sur ce marché des enfants de célébrité du monde du sport ou du divertissement. Ils ne deviennent pas influenceurs mode par leur seul talent ou par une formation. Si elles ont réussi, c'est souvent empruntant les tenues Dior de maman. Ils partagent déjà une part de rêve inaccessible à leurs followers".
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