L’inflation augmente à nouveau en février, passant à 6,2% sur un an. Les fabricants nous expliquent que c’est à cause de la hausse des matières premières, le lait, la farine, de l’emballage, le carton, de l’énergie et du transport. Ça n’est plus vrai aujourd’hui, les matières premières, le transport et l’énergie voient leurs prix plutôt baisser, depuis quelques semaines. En revanche, c’était tout à fait vrai sur 2022. Et ce qui est frappant, c’est que les entreprises ont réussi à repasser au consommateur l’intégralité de ces hausses, et même bien au-delà. En fait, les industriels, au moins les grands, n’ont pas du tout payé l’inflation, contrairement à ce qu’ils nous disent.
Toutefois, leurs marges ont bien souffert. Le géant Unilever – c’est la glace carte d’or, le thé Lipton ou la moutarde Amora, profits 2022 : +25%. Le monstre suisse Nestlé, bénéfice par action en 2022, +9,2%, avec un dividende pour les actionnaires en hausse pour la 28ᵉ année consécutive. Mondelez, avec les marques Lu, Milka ou Hollywood Chewing gum, +9,9% de croissance du bénéfice par action. Coca-Cola, marges en hausse sensible.
Quant à Procter et Gamble, autre géant américain de la grande consommation, très présent dans les rayons de nos supermarchés avec les marques Gilette, Pampers ou la lessive Ariel, bénéfices également en hausse, et 19 milliards versés aux actionnaires sur 80 milliards de chiffres d’affaires. En 2022, sur les 16 euros que vous avez payés un rasoir Gillette avec ses lames, il y a 4 qui sont partis chez les actionnaires de l’entreprise.
Et c’est pareil dans l’automobile, où les profits ont
fortement augmenté grâce à une explosion des prix de vente. C’est encore plus
vrai dans le secteur du luxe. L’inflation n’a pas été un problème pour tout le
monde. Jamais les grandes entreprises n’ont fait autant de profits qu’en cette
année de redémarrage de la hausse des prix.
Ça signifie que le choc de l’inflation a été payé seulement par le consommateur, en tout cas pas par les grandes entreprises, et pas davantage par la grande distribution - Carrefour a, lui aussi, publié des profits en hausse, +7,6%. Les victimes, il y en a plusieurs. Les consommateurs, qui ont vu leur pouvoir d’achat amputé, puisque l’augmentation des prix a été bien plus forte que celle des salaires. L’état a mis la main à la poche également, avec son bouclier tarifaire qui a subventionné le prix gaz et de l’électricité. Et nombre de petites entreprises, dans les services notamment, n’ont pas pu augmenter leurs prix autant qu’elles le souhaitaient.
L’inflation est une machine très puissante à redistribuer les richesses. En 1973, lors du choc pétrolier, c’étaient les entreprises qui l’avaient subi, alors que les salariés étaient protégés grâce à l’indexation des salaires sur les prix. Aujourd’hui, lors du nouveau choc énergétique, c’est l’inverse, les entreprises se sont vengées en reportant la charge de la hausse des prix sur les ménages.
La chronique de ce jeudi 2 mars sur la Banque de France n'a pas manqué de faire réagir son gouverneur, François Villeroy de Galhau, qui récuse les estimations des pertes à venir, faites par le CEPS, et assure que les réserves financières constituées par la Banque devraient suffire à éponger ces moins-values. Nous y verrons plus clair le 22 mar