Voilà une quarantaine d’années qu’un vaste mouvement de privatisation d’entreprises publiques était né, dans le monde anglo-saxon, avec Thatcher au Royaume-Uni et Reagan aux États-Unis. Il avait gagné toute la planète, France comprise, avec son apogée sous le gouvernement Jospin, au tournant du siècle, qui avait vendu des actifs publics pour au moins 30 milliards d’euros de l’époque, France Télécom par exemple, les autoroutes, le secteur bancaire et financier...
Un mouvement de privatisation qui s’est peu à peu épuisé. La crise sanitaire déclenche un mouvement inverse, les nationalisations se multiplient en effet. En l’espace de 15 jours, deux ont été annoncées. Air France, où le gouvernement pourra détenir jusqu’à 30% du capital, et les chantiers de l’Atlantique à Saint-Nazaire, qui fabriquent ces gigantesques paquebots de croisière, que l’État affirme désormais vouloir conserver, faute de repreneur qui lui convenait. Et une se profile, c’est la renationalisation d’EDF, au moins de la production nucléaire.
Hier, l’Italie annonçait la nationalisation de la gigantesque aciérie d’Ilva, avec un site industriel dans les Pouilles, au Sud du pays, aciérie en pleine déconfiture. Le mois dernier, c’était le rail écossais qui passait sous contrôle public. Le mois précédent encore, aux Pays de Galles, l’État prenait le contrôle des lignes de chemin de fer, jusqu’ici gérées par une filiale de la SNCF qui jette l’éponge.
L'épidémie en est la cause principale. En particulier pour le secteur du transport, l’aérien comme le ferroviaire, qui ont été très affectés par les mesures de confinement et qui seraient tombés en faillite s’il n’y avait pas eu les États pour soutenir les entreprises à coup de milliards.
Mais la tendance est plus profonde. Les États se sentent désormais plus légitimes à intervenir directement dans l’économie, qu’ils soient de gauche ou de droite d’ailleurs. Exactement comme, il y a 20 ou 30 ans. Tous les gouvernements privatisaient, quelle que soit leur couleur politique. Signe de ces temps nouveaux, l’État britannique a racheté Oneweb, une société qui déploie un réseau de satellites en orbite basse, pour des raisons stratégiques.
Souvent l’État se trouve contraint de reprendre des entreprises mal en point. Et comme il craint les conséquences sociales, il ne fait pas les restructurations qui s’imposent pour la survie. Il hésite à fermer les usines. Il y a quand même de rares contre-exemples, comme Peugeot Citroën, partiellement nationalisé en 2014, douloureusement restructuré et brillamment redressé.
Ce mouvement de nationalisation peut aller loin, beaucoup plus loin qu’on ne pouvait l’imaginer il y a encore deux ou trois ans. D’abord parce qu'avec la pandémie, les États ont pris le contrôle de l’économie, et qu’ils auront du mal à le rétrocéder rapidement, même s’ils le souhaitent, à cause des fragilités persistantes. Et ensuite parce qu’une nécessité nouvelle s’impose, à mi-chemin entre le politique et l’économique : le retour de l’intérêt national, la défense des intérêts stratégiques du pays, dans un monde où les puissances s’affrontent de plus en plus violemment. Il n’y a guère que l’État qui puisse assumer cette responsabilité.
Commentaires
Afin d'assurer la sécurité et la qualité de ce site, nous vous demandons de vous identifier pour laisser vos commentaires.
Cette inscription sera valable sur le site RTL.fr.