La Commission européenne se réunit mercredi 6 février pour autoriser ou non la fusion entre le Français Alstom et l'allemand Siemens. Les deux entreprises veulent marier leur activité dans la construction de systèmes de transports, ferroviaire en particulier, pour constituer un groupe de 15 milliards d'euros de chiffre d'affaires.
Toutes les fusions importantes en Europe sont soumises à la Commission depuis trente ans, et il est très probable qu'elle refuse la création de ce géant. Pourquoi ? La nouvelle entité serait en position de force, sur le marché européen, pour la fourniture des trains à grande vitesse et même en monopole pour la signalisation.
Le risque est donc élevé, selon les services de Commission, que le consommateur paye la facture, car la concurrence ne pourrait plus s'exercer. Le consommateur, ce sont les compagnies ferroviaires comme la SNCF et, évidemment, au bout du compte, le voyageur.
Ce qu'on fait valoir en vain les deux industriels et leurs gouvernements, la France et l'Allemagne, c'est que l'Europe doit se préparer à l'arrivée des Chinois, avec celle d'un monstre deux fois plus gros que la réunion des deux européens : CRRC.
Si l'on considère le marché européen, bien sûr Alstom-Siemens est en position dominante. Mais sur le marché mondial, c'est bien différent. D'autant que les marchés européens sont ouverts, alors que le marché chinois, le plus important, est plus dur à pénétrer.
Jusqu'ici, la cause de l'Europe, c'était la défense du consommateur. C'est ce que prévoient les traités, la Commission ne fait que les appliquer. C'est sur cette doctrine que s'est construite l'Europe, il y a plusieurs décennies. Et c'est cela qui a permis de moderniser considérablement nos économies, qui étaient dominées par des monopoles plus ou moins efficaces.
Mais les temps ont changé. La confrontation entre les grandes régions de la planète, la volonté de prédation des Chinois, les menaces commerciales américaines, le durcissement de la compétition mondiale, tout cela milite pour un changement de doctrine où, plutôt que de défendre systématiquement le consommateur, on s'intéresserait aussi à protéger le producteur.
Il y a un ainsi un risque que les prix montent. Mais il faut choisir entre les prix et les emplois. Au nom de la défense du consommateur, on a laissé entrer les produits au prix les plus bas, fabriqués au bout du monde, c'est à dire qu'on a laissé filer les emplois.
La position de l'Allemagne est en train d'évoluer. Mardi 5 février, Peter Altmaier, le ministre de l'Économie s'est prononcé pour la création d'un fond d'investissement public qui rachèterait les entreprises allemandes visées par les Chinois, pour les protéger. Inouï. C'est quasiment la position de la France.
Peter Altmaier a également émis le souhait que les règles de la concurrence qui régissent Bruxelles soient modifiées, de façon à ce qu'elles soient moins pénalisantes pour les industriels. Est-ce qu'une forme de protectionnisme serait en train de gagner l'Europe ? Du protectionnisme stratégique ? On ne peut que s'en réjouir.
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