L'enquête dans l'attaque au marteau d'un policier sur le parvis de la cathédrale Notre-Dame-de-Paris a permis d'éclaircir certaines zones d'ombre persistantes autour des intentions précises de Farid Ikken. Muni également de deux couteaux de cuisine, cet étudiant d'origine algérienne de 40 ans en sciences de l'information à Metz s'en est pris à une patrouille de trois policiers, deux hommes et une femme, mardi 6 juin, blessant légèrement l'un d'entre eux, après avoir crié "C'est pour la Syrie". Maîtrisé après avoir été blessé aux jambes par les collègues du policier à terre, il a été transféré dans une salle de l'Hôtel-Dieu (AP-HP).
Depuis l'ouverture de l'enquête pour flagrance, les enquêteurs s'attardent sur l'ordinateur de l'assaillant, qui avait été retrouvé sur lui lors de l'agression. Ils tentent de comprendre son processus de radicalisation atypique en faisant parler un appareil photo, un téléphone portable, une clé USB et une carte mémoire.
François Molins, procureur de la République de Paris, a fait le point sur l'enquête samedi 10 juin. En détention provisoire, l'assaillant a été présenté à un juge antiterroriste et a été mis en examen pour "tentative d'assassinats sur personne dépositaire de l'autorité publique" et "association de malfaiteurs terroriste criminelle".
À en croire la déclaration du procureur de la République, il aurait été difficile d'anticiper le passage à l'acte de Farid I., tant son processus de radicalisation est insoluble. "En situation régulière sur le territoire français, professionnellement inséré, jamais condamné, inconnu des services spécialisés, il n'a jamais montré à ses proches des signes de radicalisation" et n'a pas de "contacts établis avec des individus établis en zone irako-syrienne". En somme, François Molins parle d'un "profil néophyte que les services de lutte contre le terrorisme redoutent tout autant que les profils plus aguerris", et appelle à la prudence face à "une menace terroriste protéiforme".
Si ce journaliste, passé par la Suède avant de s'établir en France, était inconnu des services de renseignement, une vidéo dans laquelle il prêtait allégeance à l'État islamique a été retrouvée dans sa résidence étudiante de Cergy (Val-d'Oise). Le procureur a confirmé que cette vidéo a été enregistrée avec l'appareil photo de l'assaillant. D'une durée d'1'54", elle met en scène "un individu de profil" qui se tient devant la photocopie du drapeau de l'État islamique et "lit un texte d'allégeance en arabe et en français". Farid I a tourné ce document à son domicile et a tenté de diffuser sans succès sa vidéo via la messagerie cryptée Telegram.
L'analyse de l'ordinateur portable, retrouvé sur l'assaillant au moment de l'agression, a démontré son "intérêt "très marqué pour les thèses de Daesh". De nombreux "fichiers de propagande jihadiste" ont été retrouvés. Parmi eux, "un manuel d'action des Loups solitaires édité par l'État islamique, des vidéos glorifiant les attentats de Paris et de Bruxelles et des images des récents attentats de Londres." Par ailleurs, François Molins tient pour preuve de sa radicalisation la présence parmi les fichiers d'"un guide pour l'importation du jihad en France". L'assaillant de Notre-Dame-de-Paris en serait l'auteur.
Autres supports numériques analysés par les enquêteurs, quatre clés USB ont démontré l'intérêt de Farid I. pour Daesh. Ont notamment été retrouvés des photos de Mohamed Merah, qui avait tué des militaires à Montauban et des enfants d'une école juive de Toulouse en 2012, et un guide de combat de Daesh, intitulé "Les soldats du Califat enterrent les Francs". Le chargement de ces fichiers "remonte au moins à janvier 2017", a fait savoir François Molins, qui évoque "un processus de radicalisation extrêmement rapide sur Internet."
Devant les enquêteurs, Farid I., benjamin d'une fratrie de 12 enfants, "a immédiatement reconnu les faits" et s'est décrit comme "un musulman sunnite" qualifiant sa pratique religieuse comme "plutôt dure (...) depuis environ dix mois". Il a ajouté avoir "pris la décision d'agir quelques jours auparavant".