Hausse record des émissions de CO2 : "La décarbonation doit être un objectif central d'un projet politique", selon Jean-Marc Jancovici

Un nouveau rapport présenté en marge de la COP30 à Belém au Brésil nous apprend que les émissions de CO2 liées aux fossiles se dirigent tout droit vers un nouveau record en 2025. C'est un paradoxe. 

Depuis le début des négociations climat, qui ont démarré peu après la signature de la Convention climat au Sommet de la Terre à Rio en 1992, chaque année, il y a cette réunion annuelle qu'on appelle la COP, où les pays essayent de se mettre d'accord sur la façon de faire diminuer les émissions. Et chaque année, on apprend, sauf rarissime exception, comme par exemple celle liée au Covid, que les émissions ont encore augmenté par rapport à l'année précédente. 

Ça donne l'impression de découragement, parce que le but du jeu, c'est de faire baisser les émissions. Et ce n'est pas juste de les faire baisser par paire de chaussures ou voiture ou tasse à café produite, c'est de les faire baisser dans l'absolu. Il faut que les émissions globales de gaz à effet de serre de l'humanité baissent et c'est la condition sine qua non pour qu'on arrive à limiter le réchauffement climatique à une valeur que l'on considère comme encore maîtrisable. Au vu de ce qui est en train de se passer, on peut se poser la question : va-t-on y arriver un jour ?

Il faut faire de la décarbonation l'objectif central du projet politique d'un État

Ces émissions sont maintenant 10% plus élevées qu'elles ne l'étaient en 2015, on parle de charbon, de pétrole, de gaz fossiles dont on ne se débarrasse donc pas facilement. Pour comprendre pourquoi, il faut revenir au début de l'histoire : on a commencé à s'en servir parce que ce sont des formes d'énergie qui sont très concentrées, très denses, assez faciles à utiliser, extrêmement faciles à transporter et qui ont permis à nos ancêtres de s'abstraire des conditions du moment et du lieu qui caractérisent beaucoup plus les énergies renouvelables, au moins dans leur forme ancienne. 

Aujourd'hui, tout l'enjeu de la décarbonation, c'est d'essayer de conserver quelque chose qui ressemble au confort moderne, parce que personne n'a envie d'arrêter d'avoir des vêtements, des machines à laver, la possibilité de se déplacer. L'enjeu, donc, est de conserver tout ça, tout en se débarrassant des énergies qui ont permis de leur donner naissance. 

C'est quelque chose de difficile que nous n'arriverons pas à faire en traitant ça comme un objectif accessoire. Si on veut y arriver, pour de vrai, il faut en faire un objectif central du projet de vie ou du projet politique d'un État. Aujourd'hui, il y a extrêmement peu d'États qui en sont à ce niveau-là. Donc, pour le moment, on continue malheureusement à rester dans une forme de contradiction au niveau planétaire entre une envie qui est croissante et sincère chez une large partie de nos concitoyens de faire avec moins d'émissions de CO2, moins de combustibles fossiles, et une forme de réalité, qui est que le confort moderne, c'est quand même sympa, et que techniquement, de trouver des façons d'y accéder en se débarrassant des combustibles fossiles, ça demande un très gros effort qu'on a commencé à faire, mais malheureusement, pour lequel on est loin d'être au bout.