ÉDITO - "Au lieu d'affaiblir les syndicats, on aurait mieux fait de les renforcer", estime Isabelle Saporta

Dans son édito du jeudi 18 septembre, Isabelle Saporta a regretté le peu de personnes syndiquées en France, particulièrement chez les jeunes ou parmi les salariés du privé.

Une manifestation de syndicats (illustration)

Crédit : Lionel BONAVENTURE / AFP

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Les chiffres sont implacables : se syndiquer, c'est un truc de vieux, de fonctionnaire ou de cadre bien installé. Seuls 2,7% des moins de 30 ans sont syndiqués, contre près de 15% des plus de 50 ans. Pourquoi ce hiatus générationnel ? Parce que se syndiquer suppose un emploi durable.

Selon l'Observatoire des inégalités, le taux de précarité chez les moins de 25 ans est passé de 18,7% en 1982 à 49,3% en 2000, frôlant même les 60% avant de refluer légèrement après 2017. Filons la métaphore du "plus je suis stable, moins je risque de perdre mon job, plus je me syndique". Dans le privé, 7,8% des salariés sont syndiqués, contre 18,4% dans le public.

C'est là qu'on se dit que ce monde marche vraiment sur la tête. Parce que qui a besoin d'être protégé ? Les jeunes, les précaires, tous les auto-entrepreneurs qui se font ubériser. Ils sont déjà tellement dans la mouise, ils ont déjà tellement la trouille de perdre leur gagne-pain qu'ils s'écrasent, qu'ils rasent les murs et ne se syndiquent pas. Ils se retrouvent broyés par un système de plateforme fonctionnant à l'IA sans aucune compassion pour la souffrance des individus.

70% de salariés syndiqués au Danemark

Pourquoi si peu de personnes sont syndiquées en France ? C'est d'abord la faute des syndicats dans les années 1950. Il y a eu un effondrement du nombre de syndiqués parce que les salariés considéraient que la CGT était trop inféodée au PC qui lui-même l'était trop à l'URSS.

C'est aussi la faute des politiques qui, par le biais de lois de travail successives, n'ont eu de cesse de détricoter le dialogue social. Sauf qu'au lieu d'affaiblir les syndicats, on aurait mieux fait de les renforcer. Au Danemark, 70% des salariés sont syndiqués. Personne n'est laissé de côté, il n'y a pas cette fracturation entre jeunes, seniors, précaires, stables.

Comme les syndicats pèsent plus lourd, ils ont plus de poids. Et comme ils ont plus de poids, ils sont respectés. Et comme ils sont respectés, les salariés sont mieux traités. Quand est-ce qu'en France, on met en place un cercle vertueux plutôt que de s'enferrer dans nos cercles vicieux ?

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