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Déserts médicaux : le quotidien de David, médecin de campagne aux 2.300 patients

PODCAST - La situation est jugée critique dans les déserts médicaux. Gautier Delhon-Bugard, journaliste à RTL, a suivi le quotidien d'un docteur généraliste de Clamecy, dans la Nièvre. À bientôt 60 ans, il tente de pallier au manque de spécialistes dans son secteur.

Le docteur David Taupenot à Clamecy, dans la Nièvre

Crédit : Gautier Delhon-Bugard / RTL

Gautier Delhon-Bugard - édité par Sylvain Zimmermann

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Il est 9 heures. Le docteur David Taupenot presse le pas pour aller saluer sa secrétaire à l'étage de la maison de santé. "On a environ une vingtaine de rendez-vous programmés ce matin, et il y aura probablement des gens en doublon, qui vont se rajouter entre deux consultations", explique le généraliste installé à Clamecy (Nièvre). Ce dernier peut voir jusqu'à six patients par heure. 


Le balais des consultations débute. Le couinement de la porte du cabinet se répète inlassablement. Grippe, douleurs aux jambes, Covid... Le rythme est effréné. Prise de tension, écoute du cœur, renouvellement d'ordonnance... Le retard s'accumule.

En salle d'attente, Paul s'impatiente. "On est venu en famille avec ma soeur, mes neveux et nièces. On est tous tombés malades et c'est le seul médecin du coin qui pouvait nous recevoir vite. Le problème ici c'est l'attente, parfois plus de deux heures", se plaint cet habitant de Varzy, à 16 km de là.

À côté de lui, sur l'une des chaises en plastique gris disposées contre le mur de la salle d'attente, cette patiente reste clémente : "Cela fait une heure que j'attends, j'ai l'habitude. Mais il ne faut pas rouspéter. Le docteur fait ce qu'il peut. On a tellement peu de médecins ici". 

70 heures par semaine

Lorsque David Taupenot, s'installe en 1996, 24 médecins occupent le secteur. Aujourd'hui, ils ne sont plus que 8. "J'ai 2.300 patients déclarés alors que la moyenne nationale est de 1.100 par praticien. Sans compter les milliers de personnes que l'on voit une ou deux fois dans l'année pour qui on est pas forcément le médecin traitant", détaille le généraliste.

Sa courte barbe grisonnante et son crâne dégarni parlent pour lui. David Taupenot bientôt 60 ans est un vieux médecin, à l'ancienne, peu importe si ses journées s'allongent. Il prend tous les patients. "C'est compliqué de dire 'non, ça attendra demain ou après-demain'", confie-t-il.

Le médecin passe le plus clair de son temps dans son cabinet, près de 70 heures par semaine. "Je sais à quelle heure je commence, mais l'heure de fin c'est à géométrie très variable, parfois 21h ou 21h30". 

C'est devenu un métier de merde

Une consœur du docteur Taupenot

Une jeune maman, la trentaine, arrive essoufflée en salle d'attente. Un sac à langer sur l'épaule gauche, sa fille d'un peu plus d'un an qui gesticule à droite. Le docteur les reçoit. "Elle a eu de la fièvre, diarrhée, vomissements ?". La petite fille se met à pleurer. "Non mais elle est très grognon", répond sa maman.

"On a une grosse activité pédiatrie, 1 acte sur 6 quasiment", précise le généraliste. Dans le département, le manque de spécialiste est criant. Plus aucun dermatologue, un seul rhumatologue, un seul allergologue. David Taupenot a dû adapter son offre de soins en conséquence.

"Je fais de la dermato, de la gynéco avec l'échographe que vous voyez au fond du cabinet. Je suis formé également à des actes d'ophtalmo", souligne-t-il.

Médecin multi casquettes

Crédit : Gautier Delhon-Bugard

Ce praticien aux multiples casquettes gère aussi les plannings des gardes du secteur. Soir, week-end, jours fériés, les médecins du secteur se partagent les astreintes téléphoniques du Samu. Au bout du fil, une consœur excédée se confie.

"On ne va pas se mentir, on fait de la régulation pour mettre du beurre dans les épinards. On a tellement de c... au téléphone. L'autre jour, une gamine de 21 m'appelle à 0h17 pour me demander de la rassurer, elle me demande pourquoi elle a encore mal à la gorge, raconte la jeune médecin. Elle avait vu son médecin quelques heures auparavant. Ensuite elle me dit que je ne suis pas très aimable et que je suis payé pour lui répondre en pleine nuit, conclue-t-elle. 

Des visites à domicile une fois par semaine

Le docteur David Taupenot visite ses patients les plus fragiles, ceux qui ne peuvent plus se déplacer tous les jeudis après-midi. "Là on va à quelques kilomètres de Clamecy dans un hameau pour voir une dame de 85 ans".

Le médecin gare son 4x4 blanc devant le portail rouillé. La porte-fenêtre du salon est entrouverte. "Bonjour Madame Lebrun, comment allez-vous ? Je vais prendre votre tension comme d'habitude... Vous êtes à 12, tout va bien !" La vieille dame est assise sur son fauteuil, le déambulateur placé devant ses jambes prêt à l'usage.

"J'ai toujours très mal au dos docteur", se plaint la vieille dame. "Certains médecins abandonnent les visites, mais pas moi. Cette dame par exemple, elle n'a personne, si je ne me déplace pas, qui va la soigner ?". La patiente relève la tête : "Je vis seule mais je ne suis pas toute seule ! J'ai mon neveu et ma nièce". 

Le soir, après ces journées à rallonge, c'est le même rituel pour le médecin de campagne. Il rentre chez lui pour retrouver son épouse. "La journée n'est pas terminée, il reste le travail invisible du médecin : la fameuse paperasse, s'exclame David Taupenot. Généralement on mange puis on travaille".

Le docteur monte au premier étage de sa maison et dépose les dossiers de la journée sur le bureau. Il sort son ordinateur portable du sac. Son épouse prend alors le relais. Valérie travaille à mi temps dans une pharmacie, le soir elle revêt son costume d'assistante administrative.

"On fait ça depuis 30 ans, c'est notre équilibre. Comme ça mon mari peut souffler un peu après cette longue journée". Valérie branche le lecteur de carte vitale pour faire les télétransmissions à la sécurité, afin de demander les remboursements. Puis elle sort une liasse de billets de 5, 10 et 20 euros. "Je m'occupe aussi de la comptabilité du jour. Tout cela me prend une heure chaque soir et un dimanche par mois pour refaire les comptes". 

Favorable à la consultation à 50 euros

La consultation à 50 euros, l'une des principales revendications des médecins libéraux, "permettrait d'embaucher des secrétaires, des assistantes, explique le docteur Taupenot. Je gagne bien ma vie, environ 10.000 euros par mois. Donc si on passe à 50 euros ce n'est pas pour m'enrichir mais plutôt pour recruter. L'objectif, c'est d'améliorer la qualité de travail, de prendre un peu plus de temps pour chaque patient".

Recruter une assistante pour s'occuper de la paperasse permettrait à Valérie de profiter enfin de ses soirées. "Depuis 1996, nous n'avons jamais fait un repas avec les enfants le soir en semaine. On a beaucoup travaillé, j'ai l'impression qu'on a un peu sacrifié nos enfants. Si c'était à refaire, je ne le referais surement pas".

David et Valérie avant le dîner

Crédit : Gautier Delhon-Bugard / RTL

Leurs quatre enfants, aujourd'hui âgés de 25 à 32 ans, "vivent loin". Certains ne sont "pas très famille". Les conséquences peut-être de cette vie de labeur, selon Valérie. David Taupenot, un médecin de campagne, toubib' à l'ancienne dévoué à ses patients. Jour et nuit, soigner reste sa priorité absolue. 

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