Colère des agriculteurs : à Strasbourg, les paysans français et allemands bloquent le pont de l'Europe

Plusieurs centaines de tracteurs français et allemands ont bloqué lundi 18 novembre le pont de l'Europe, qui relie Strasbourg à l'Allemagne pour protester contre le projet de libre-échange avec le Mercosur.

Les représentants de syndicats agricoles français et allemands se sont rejoints dans une accolade symbolique au son des klaxons. "Toujours ensemble", ont assuré, tout sourire, les agriculteurs allemands à leurs collègues français dans une poignée de main enthousiaste.

L'action, lancée en milieu d'après-midi par la FDSEA et les Jeunes agriculteurs du Bas-Rhin, ont pointé du doigt la "distorsion de concurrence" qu'implique le traité avec l'Amérique du Sud selon les agriculteurs européens. "Quand j'ai commencé ma carrière en 1990, on a interdit l'utilisation des hormones de croissance dans l'engraissement des productions de viande en France", rappelle Gérard Lorber, secrétaire général de la FDSEA Bas-Rhin. "Pendant toute ma carrière, j'ai suivi ces règles, mais dans les pays du Mercosur avec lesquels on veut nous mettre en concurrence, ils continuent d'utiliser ces hormones", a-t-il dénoncé.

L'agriculture sur "l'autel du sacrifice"

Pour le syndicat départemental, la mobilisation a un goût amer, après les manifestations du début de l'année. "Lors de notre mobilisation nationale, on s'est dit que l'Union européenne avait compris qu'elle devait protéger ses agriculteurs, et on se rend compte qu'aujourd'hui finalement, l'agriculture est sur l'autel du sacrifice", a déploré Yohann Lecoustey, directeur de la FDSEA du Bas-Rhin. "C'est une folie de déléguer à des pays tiers des sujets aussi fondamentaux que se nourrir", s'est-il indigné.

Après une heure d'allers-retours sur le pont, les agriculteurs franco-allemands se sont rejoints autour d'un feu côté français. "Cela nous semblait logique de combattre aux côtés des agriculteurs français, puisque nos objectifs sont les mêmes", souligne Horst Körkel, représentant du syndicat agricole allemand BHLV. "Nous sommes soumis aux mêmes réglementations et avons tous peur pour l'avenir, donc c'était une évidence de réunir nos voix, en espérant que cela donne plus d'écho à nos revendications", a-t-il ajouté.
 
"Nous espérons que le Parlement européen va réfléchir et établir des règles de production équitables pour nous vis-à-vis de l'Amérique latine", a soutenu Alexander Heitz, 31 ans, représentant de l'association agricole allemande de Bade. "En l'état, le traité est injuste et risque de nous mettre en danger en tant que producteurs", s'est alarmé ce producteur de bovins implanté à Kehl, juste en face de Strasbourg.

Nouveau cycle de mobilisation en France ?

L'alliance syndicale majoritaire FNSEA-JA a lancé lundi plus de 80 actions symboliques, prélude à un nouveau cycle de mobilisation dans toute la France.
En fin de soirée, les agriculteurs ont quitté les lieux sans incident, mais le départ des tracteurs a causé quelques ralentissements de circulation passagers dans le secteur.

Les agriculteurs français jugent l'agriculture de l'Hexagone menacée par l'accord de libre-échange que l'UE négocie avec des pays latino-américains du Mercosur, à l'instar du Brésil, de l'Argentine, de l'Uruguay et du Paraguay.

Alors que le Mercosur exporterait vers l'UE d'abord des produits agricoles (viande bovine, volaille, porc, miel, sucre...), les producteurs dénoncent des conditions de concurrence déloyale, ces denrées ne répondant pas aux mêmes normes environnementales et sociales qu'en Europe, voire sanitaires en cas de contrôles défaillants.

Le Copa-Cogeca, l'organisation européenne des syndicats majoritaires, a appelé l'UE à "revoir" ce projet et à "défendre une politique commerciale portant les standards rigoureux de notre agriculture".