Un peu moins de cinq mois après les attentats de Paris et Saint-Denis, le Wahsington Post a recueilli le témoignage de la jeune femme qui avait accompagné Hasna Ait Boulacem lorsqu’elle était venue en aide à son cousin, Abdelhamid Abaaoud, le logisticien présumé des attaques du 13 novembre. Cette jeune femme, qui garde son anonymat pour préserver sa sécurité, est revenue sur les circonstances qui l’ont précipité au cœur de la traque des terroristes du 13 novembre, avant qu’elle ne vienne en aide aux enquêteurs pour localiser Abdelhamid Abaaoud à Saint-Denis.
Elle se présente comme la "mère de substitution" d’Hasna Ait Boulacem quand cette dernière a quitté son foyer en raison de problèmes familiaux. Malgré ses déboires et ses nombreux problèmes d’addictions, la femme d’une quarantaine d’années décrit Hasna Ait Boulacem comme une jeune fille qui faisait preuve de beaucoup d’humour et d'auto-dérision : "elle nous faisait toujours rire". La jeune femme s’est cependant tournée de plus en plus vers la religion à partir de 2014, et a commencé à échanger avec un mystérieux interlocuteur en Syrie, possiblement son cousin Abdelhamid Abaaoud.
Le dimanche 15 novembre, elle est aux côtés d’Hasna Ait Boulacem, lorsque celle-ci reçoit un mystérieux coup de téléphone en provenance de Belgique qui lui demande de venir en aide à son cousin. "Elle avait l’air heureuse et répétait : 'j’espère que c’est pas une blague'", confie l’amie d’Hasna AIt Boulacem au Wahsington Post (en anglais). En pleine traque après les attentats de Paris, elle se rend donc en compagnie de son mari et d’Hasna Ait Boulacem dans l’est parisien, près du buisson où se cachait Abdelhamid Abaaoud.
Elle n’a pas immédiatement reconnu le terroriste lorsque celui-ci est sorti de sa cache, avant que sa cousine lui saute au cou. Alors que le trio s’apprêtait à regagner la voiture, la femme remarque qu’Abaaoud a un mouvement de recul et semble prêt à sortir une arme quand il aperçoit son mari au volant. Rassuré par sa cousine, il accepte cependant de monter à bord du véhicule avant de changer d’avis et de redescendre quelques minutes après.
Tu peux dire au petit couple que mes frères s’occuperont d’eux si jamais ils parlent.
Abdelhamid Abaaoud
Peu après, Hasna Ait Boulacem reçoit un nouvel appel de son cousin : "Tu peux dire au petit couple que mes frères s’occuperont d’eux si jamais ils parlent". De retour à leur domicile, elle explique qu’elle a essayé de soûler Hasna Ait Boulacem pour la convaincre d’appeler la police, trop effrayée pour appeler elle-même. Le lendemain, elle entre malgré tout en contact avec la Sous-direction anti-terroriste (SDAT) alors qu’Hasna Ait Boulacem s'est absentée.
La suite des événements est connue. Les services de renseignements vont traquer le portable d’Hasna Ait Boulacem et découvrir les échanges qu’elle a avec son cousin, alors activement recherché. Le mardi 17 novembre, Hasna Ait Boulacem semble faire ses adieux à sa bienfaitrice, mais lui transmet cependant l’adresse où elle va résider pendant quelques jours à Saint-Denis. À 4h20 du matin le 18 novembre, les équipes du RAID se déploient autour de appartement de la rue Corbillon et donnent l’assaut. Abdelhamid Abaaoud et Hasna Ait Boulacem vont trouver la mort dans l’opération, ainsi qu’un troisième terroriste identifié plus tard comme étant Chakib Akrouh.
"C’est important que le monde sache que je suis moi-même musulmane", a confié la femme qui permit la neutralisation d’Abdelhamid Abaaoud aux journalistes du Washington Post : "C’est important pour moi que les gens sachent que ce qu'Abaaoud et les autres ont fait, ce n’est pas ce qu’enseigne l’Islam". Plusieurs semaines après les événements, ce témoin essentiel de l’enquête des attentats de Paris et Saint-Denis avait confié qu’elle se sentait abandonnée par l’État dans un entretien accordé à BFMTV et RMC.